Présentation
Centrée sur l’étude d’un service public, la Poste, cette recherche propose son histoire, celle d’un
véritable support politique et d’un réseau de communication et des pratiques sociales des usagers
de celle-ci en terrain camerounais.
Au lendemain de la seconde guerre jusqu’à la fin des années 1970, le réseau postal déjà établi depuis
la fin du XIXe siècle s’étend en dessinant une trame linéaire faiblement maillée du sud vers le nord
du territoire. Ce réseau participe à l’appropriation du territoire par l’État. En effet, l’implantation
des bureaux de poste est un dessein administratif tout comme la création des postes de police. En
ouvrant des bureaux de poste dans les chefs-lieux de région, ensuite dans les subdivisions
administratives et enfin dans les campagnes, l’État suit une logique répondant à ses besoins.
A la suite des travaux entrepris au cours des années 1950 dans le but d’améliorer la qualité du réseau
postal et de son infrastructure, l’État indépendant met en place, dès 1960, des plans quinquennaux
de développement. Ceux-ci permettent à ce réseau de se reconfigurer et d’atténuer les fortes
disparités régionales observées dans la partie nord du pays et dans l’ex-Cameroun britannique
comportant peu d’équipements depuis la depuis la fin de la période coloniale. Mais cela ne résout
pas complètement le problème de l’enclavement postal.
Établi pour répondre au besoin de l’État, cet outil de communication va aussi graduellement
répondre au besoin d’un public qui se diversifie au fil des années. Jusqu’à la fin des années 1970,
ce réseau de communication contribue au contrôle et à la gestion efficace du territoire sans pour
autant se limiter au seul usage administratif. Les usages et les pratiques s’accroissent et l’on peut
ainsi identifier différents groupes sociaux qui s’approprient de ces nouveaux outils de la modernité
ancrés depuis la colonisation.
Support d’action politique également, ce service joue aussi un rôle ambivalent dans les mouvements
d’émancipation et la lutte pré-et-post indépendance. Au cours années 1950 jusqu’au début de la
deuxième décennie après l’indépendance, le réseau postal est un outil efficace pour l’État qui, s’en
sert pour contrôler l’information et contrecarrer la clandestinité de certains leaders politiques
opposants du pouvoir en place. Ce réseau sert aussi comme lieu de structuration de l’action militante
syndicale et politique, permettant aux postiers de se construire un univers syndical au sein duquel,
ils font entendre leur voix et revendiquent leur cause. Il permet également à certains d’entre eux de
se démarquer et de s’imposer dans l’arène politique.
Au contact direct et journalier des populations, le service postal devient un observatoire des rapports
sociaux tant en période coloniale qu’après l’indépendance. L’administration des PTT au Cameroun
est une grande maison constituée d’un personnel diversifié venant de différentes entités
sociologiques. Il existe un contraste entre ceux qui assurent un service actif et ceux qui sont sur
place dans le bureau de poste. L'absence de femmes camerounaises au sein de ce personnel pendant
la période coloniale est à signaler. Il faudra attendre le début des années 1960, pour assister à
l’entrée de la gente féminine. Le faible niveau de formation du personnel observé jusqu’après la
Seconde Guerre s’améliore dès le début des années 1950 grâce à la création de centres d’instruction
professionnelle. La « camerounisation » des cadres, initiée à cette période, se poursuit au lendemain
de l’indépendance et, est une préoccupation majeure pour l’État indépendant. L’École nationale
supérieure des P&T est alors créée à la fin des années 1960 et devient le nouveau lieu de formation
et de qualification du personnel. Au fil des années, ces agent(e)s s’investissent dans un
environnement de travail où l’ambiance crée une forme de sociabilité interactive entre usagers et
agents. Néanmoins, plusieurs d’entre eux (agents) sont coupables du non-respect de la déontologie
professionnelle, entraînant des dysfonctionnements qui, ternissent l’image de ce service public.
En dépit de ces difficultés liées à son fonctionnement, la Poste constitue un maillon essentiel dans
l’économie nationale. Considérée comme un instrument de développement du pays, l’Etat trouve
nécessaire de la restructurer dans le cadre des nouvelles réformes économiques qui surviennent au
cours des années 1980.