Contexte et origine du projet
Le Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS) “Etudes africaines” est un réseau, porté par le CNRS, mettant en lien des laboratoires et des chercheur.se.s en sciences humaines et sociales dont les travaux portent sur l’Afrique et les diasporas africaines. Sa mission principale est de contribuer à une meilleure visibilité des études africaines en France et d’encourager les échanges et collaborations entre les chercheurs et chercheuses. Le GIS a ainsi créé des annuaires pour recenser les structures et les personnes travaillant dans le champ des études africaines et organise des rencontres académiques (journées d’études dédiées aux jeunes chercheur.se.s, rencontres nationales bi-annuelles). La visibilisation de la recherche en études africaines “en train de se faire” passe également par l’attribution chaque année d’un prix de thèse qui permet de soutenir la publication de travaux originaux et novateurs.
Avec le projet CASSAF (pour Créations Arts-Sciences Sociales en études AFricaines), le GIS Etudes Africaines entend aujourd’hui établir un état des lieux des approches individuelles ou collectives entre arts et sciences humaines et sociales en études africaines dans les espaces francophone, anglophone et lusophone. Il élargit ainsi son champ d’action au-delà des universités et des institutions de recherche, pour mettre en lumière les projets associant approches de sciences humaines et sociales et démarches artistiques. Les collaborations entre chercheur.se.s et artistes ne sont bien sûr pas nouvelles (1). Le champ académique a vocation à irriguer l’ensemble de la société, à la fois par les questions qu’il pose et les réponses qu’il est susceptible d’apporter. La recherche en sciences humaines et sociales, par définition, réagit à et s’interroge sur ce que le monde social lui propose, dont les productions artistiques qui en sont issues. En miroir, les artistes ont pu de longue date se saisir des travaux, mais aussi parfois des approches, des sciences humaines et sociales pour mieux interroger les phénomènes culturels, politiques et sociaux avec les médiums qui sont les leurs (des arts audiovisuels et plastiques à la littérature, en passant par la danse ou le théâtre, entre autres). Il est donc peu surprenant que des compagnonnages, selon des modalités très diverses, aient pu se créer depuis de nombreuses années entre chercheur.ses et artistes. Ceux-ci ont pu avoir pour objectifs non seulement de rendre compte au plus grand nombre, au-delà des seules sphères académique et artistique, mais aussi de saisir sur un mode à la fois réflexif et sensible un grand nombre de problématiques, notamment dans le champ des études africaines.
Au sein des différentes disciplines des sciences humaines et sociales, des champs se sont par exemple structurés autour des écritures audiovisuelles (en anthropologie et en sociologie notamment, mais aussi en géographie ou en études culturelles). Les démarches dites “participatives”, qui expérimentent des formes de co-production du savoir entre chercheur.ses et enquêté.e.s, ont également souvent recours à des outils issus du champ artistique (cartographie sensible et/ou participative, élicitation photographique, théâtre-forum, etc.). Dans ces pratiques qui brouillent les frontières entre les moments de l’enquête, de l’analyse/écriture et de la restitution, c’est finalement la production de la connaissance qui est réinterrogée : Qui produit les savoirs ? Quels types de savoirs ? À destination de quels publics ? Et dans quels buts (diffusion de savoirs à des fins de médiation scientifique, partage sensible d’une expérience, circulation d’hypothèses pour nourrir de nouvelles questions, etc.) ?
Aussi, la multiplication des créations arts/sciences ces dernières années, à la faveur d’un engouement croissant du côté des chercheur.se.s comme des artistes et d’une reconnaissance, voire d’une valorisation, de plus en plus importante de la part des institutions académiques et culturelles, semble aller de pair avec une complexification de leurs modes de définition, de montage et de restitution. En témoigne la démultiplication des termes pour les qualifier : “recherche-création” et “co-création” (qui poursuivraient à part égale une démarche artistique et académique), “écritures alternatives” (qui consisteraient plutôt en des propositions artistiques de restitution, et parfois de production, de la recherche) ou “innovantes” (qui pourraient toutefois faire oublier les nombreux exemples d’hybridations et d’expérimentations qui, par définition, nourrissent la démarche scientifique en général). Dans la pratique, ces différents projets collaboratifs fonctionnent sur la base de partenariats entre chercheur.se.s et artistes dont les contours et les positions sont mouvants (lorsque ces deux “rôles” sont endossés par la même personne, par exemple), ce qui ne manque pas d’ailleurs d’en faire leur richesse heuristique et leur attrait, notamment pour le grand public.
(1) L’élaboration d’une bibliographie sur ce thème fait partie des objectifs du projet.
Objectifs du projet
L’objectif du projet CASSAF est triple :
- Recenser les créations arts/sciences humaines et sociales dans le champ des études africaines
Il s’agira d’identifier les créations associant arts et sciences en études africaines sur l’ensemble du continent africain, en tenant notamment compte des différences de contextes linguistiques entre zones anglophone, francophone et lusophone. Ce recensement prendra aussi en compte la place donnée au dialogue entre arts et sciences dans l’enseignement des études africaines (sur le continent africain et ailleurs dans le monde). Sans prétendre à l’exhaustivité, ce projet vise à poser les bases d’un état des lieux ouvert des collaborations passées et actuelles. - Construire une bibliothèque commune à des fins de réflexion théorique et méthodologique
L’enjeu est ici d’accompagner cet état des lieux des créations arts/sciences en études africaines par un état de l’art de la littérature existante sur les écritures alternatives/innovantes, la recherche-création, les collaborations arts/sciences humaines et sociales en général. Il s’agira ainsi de prendre acte des débats qui nourrissent artistes et chercheur.se.s qui s’engagent dans ces démarches. Nous espérons ainsi identifier des lignes de partage et des horizons de rencontre entre différentes approches, dans l’optique non pas d’établir un guide méthodologique ou de dicter des normes, mais plutôt de fournir des ressources à toutes celles et ceux qui se lanceraient dans des collaborations arts/sciences, a fortiori dans le champ des études africaines. - Poser des questions qui interrogent les enjeux éthiques, institutionnels et politiques qui jalonnent ces créations
Nous faisons le constat que les collaborations arts/sciences mettent en lumière des questions que le monde académique rechigne souvent à prendre à bras le corps, quand elles s’avèrent pourtant cruciales et urgentes à appréhender, à l’heure des débats autour de la décolonisation des savoirs en études africaines.
Pour exemple :
- la subjectivité et la positionnalité du.de la chercheur.se et de l’artiste
- la place des émotions et du sensible dans la recherche
- les temporalités et rythmes de travail
- les modalités des partenariats entre chercheur.ses, artistes et institutions académiques et culturelles des Nords et des Suds (qui peuvent parfois impliquer des formes d’extractivisme)
- l’auctorialité (qui est auteur/autrice, quels sont ses droits sur le plan juridique mais aussi sur le plan intellectuel et moral)
- la diffusion (quelles répartitions des gains symboliques – et parfois matériels – tirés de ces collaborations ? En quoi l’open access amène-t-il de nouvelles considérations sur ce qui est partagé, partageable, réutilisable, etc. ?)
- la rémunération (quelles modalités de financements pour ces créations et leur circulation ? Selon quel statut, quel espace géographique et quelles procédures administratives ?)
En apportant des éléments de réponse, ou au moins des éclairages à partir d’expériences concrètes, nous espérons engager in fine une réflexion sur ce que produire et co-produire des savoirs implique lorsque ces collaborations, qui se veulent horizontales, opèrent dans un contexte d’asymétrie structurelle entre le Nord et le Sud.
Mise en œuvre
Le projet CASSAF s’appuie sur un comité de pilotage, un comité scientifique et un chercheur ou une chercheuse de niveau post-doctorat (responsable d’enquête) recruté.e pour le projet et intégré.e au comité de pilotage. Dans un premier temps (2024-2025), nous produirons un état des lieux qui présentera les résultats de l’enquête menée par le ou la responsable d’enquête auprès des porteurs et porteuses de projets arts/sciences en études africaines, assortis d’une synthèse des premières réflexions conduites en lien avec cet état de l’art. Cet état des lieux pourra être accompagné d’une base de données participative en ligne et en accès libre – potentiellement sous forme d’atlas ou de cartographie – recensant tous les projets identifiés à ce premier stade. Etat des lieux et base de données pourront aussi servir de supports à publications et évènements académiques et artistiques, notamment à destination du grand public (colloque/journée d’étude, ouvrage collectif/numéro de revue, exposition, etc.).
A l’issue de cette première étape de recension et de réflexion, le GIS Etudes africaines poursuivra son soutien aux créations arts/sciences, par exemple par leur accompagnement dans la réalisation et la valorisation auprès de la communauté des études africaines en France et à l’international.
Le comité de pilotage a pour rôle la coordination générale du projet, à la fois sur le fond scientifique (contribuer à nourrir l’état de l’art bibliographique et l’état des lieux, notamment en participant à la définition du protocole de collecte de données et à celle-ci, en collaboration avec le ou la la postdoctorant.e). Il est constitué de :
- Sarah Andrieu (anthropologue, Université Côte d’Azur/URMIS et GIS)
- Kadiatou Barry (chargée d’appui au pilotage du GIS)
- Chloé Buire (géographe, CNRS/LAM)
- Camille Desiles (ingénieure en humanités numériques, LAM/USR Afrique au Sud du Sahara)
- Emilie Guitard (anthropologue, CNRS/PRODIG et GIS)
- Stéphanie Lima (géographe, INU Albi/LISST et GIS)
- Hervé Pennec (historien, CNRS/IMAF-Aix et GIS)
- Marian Nur Goni (historienne/historienne de l’art/Université Paris 8)
- Roxane Favier de Coulomb, responsable d’enquête et d’édition (GIS EAF, UAR2999)
Calendrier
- 4 juillet 2024 : Annonce du projet dans le cadre de la 8ème édition des REAF (Nice 2024)
- 8 juillet au 8 septembre 2024 : Mise en ligne de l’offre d’emploi de la/du responsable d’enquête
- 1er novembre 2024: Début contrat de la/du responsable d’enquête
- Fin novembre 2024 : 1ère réunion du comité scientifique
- Fin mars 2025 : 2ème réunion du comité scientifique
- Mi- juillet 2025 : 3ème réunion du comité scientifique
- Début 2026 : Publication de l’état des lieux et mise en ligne de la base de données participative, assorti d’un événement académique/artistique de restitution
Pour plus d’informations : uar2999-cassaf@cnrs.fr