Présentation
Les travaux sur les mobilités africaines se sont focalisés, essentiellement, sur les lieux, les temps et les acteurs, négligeant les rôles que peuvent impulser les objets pour une meilleure compréhension des relations entre les voyageurs et les populations hôtes. Les objets sont pourtant omniprésents dans la vie des migrants, des nomades, des transporteurs et des commerçants – téléphone portable, pièces d’identité, photo, véhicule ... Loin d’être inertes, ils peuvent être considérés comme des « acteurs » à part entière des relations sociales, ainsi qu’on peut l’observer au quotidien dans les véhicules de transport en Afrique, qui, selon les moments et les voyages mêmes brefs, participent à la transformation des rapports entre les voyageurs et entre ceux-ci et l'espace traversé. Et la reconstitution des « carrières » de ces objets, de la préparation du départ à l’appréhension ou à l’espoir du retour - habituel, volontaire ou précipité -, en passant par les périodes d’attente, doit permettre d’appréhender, sous un angle renouvelé et décalé, la construction des identités migrantes, pastorales ou marchandes et de mettre en saillance des pans cachés ou obscurs de la vie des hommes et des femmes qui parcourent les routes et les vallées africaines.
Cette session a pour ambition d’explorer la vie d’objets accompagnant les voyageurs dans leurs déplacements, qu’ils soient migrants, commerçants, pasteurs, chauffeurs, dans un contexte géopolitique marqué par la surveillance accrue des frontières, voire leur fermeture. Plus largement, par ce prisme, les liens entre sujets, objets et lieux sont réinterrogés ainsi que les systèmes de catégorisation du monde matériel. Les objets sont considérés non seulement comme des supports permettant d’éclairer de nouvelles facettes de la circulation des voyageurs, mais ils renseignent également sur l’intimité des personnes et leurs identités.
À partir de situations concrètes, et dans une perspective pluridisciplinaire (anthropologue, géographe, historien, historien de l’art, sociologue), il s’agira d’apprécier la manière dont une expérience intense de la mobilité chez les hommes et les femmes, combinée le plus souvent à celle de l’immobilité (parfois entre deux voyages), peut transformer la nature des objets qu’ils transportent avec eux ou qui les transportent, en modifier les usages, les imaginaires, les registres de valeur. Réciproquement, il s’agira d’apprécier dans quelle mesure les objets et leurs métamorphoses peuvent conduire des voyageurs à instruire de nouveaux arrangements relationnels, à reconsidérer leurs déplacements, à infléchir leurs trajectoires ou à conforter leur position.
Trois entrées croisant objets et lieux seront privilégiées pour aborder ces questions.
1) Comment les objets connectent-ils les populations mobiles à leur famille, à la société d’accueil ou à celle dans laquelle ils ne font que passer ?
2) Comment les objets instaurent-ils des continuités entre les différents espaces qui composent l’univers circulatoire pour esquisser une topographie inédite ?
3) De quelle façon le rapport intime entretenu avec les objets change-t-il au fur et à mesure que la personne se déplace ?
Coordination : Jérôme Lombard et Sylvie Bredeloup
Communications
Melissa Mengue et Fabiola Obame
La valise de l’explorateur : les objets de voyage de Paul du Chaillu
Abdoulaye Diagne
Ila Touba et téléphonie mobile, deux objets, deux liens entre Dakar et Ngoye
Saydou Koudougou
Migrer pour des objets, renégocier sa place au retour
Louka Herse
Des voyageurs affairés. Comment des migrant.es sans domicile conservent leurs objets à Paris
Pierre Peraldi-Mittelette
La tente touarègue reconstituée en France : Étude d’un objet qui transpose le Sahara. D’un velum l’Autre, pour une ambiance d’ailleurs