Présentation
La présence de marchés dits informels est un marqueur paysager incontournable dans les villes africaines, des mégapoles aux plus modestes bourgades rurales. Insérés dans des réseaux de circulations humaines, matérielles et financières, ces lieux constituent un objet de recherche bien étudié, des enjeux socio-politiques qui s’y nouent à l’échelle locale (Morange 2015, Paulais et Wilhelm 2000, Spire et Choplin 2018) aux mécanismes d’intégration aux échanges transnationaux et mondialisés à l’échelle globale (Bouhali 2015, 2020, Doron 2017, Racaud 2018).
À partir de ces marchés, lieux d’ancrage de la mondialisation des pauvres (Choplin, Pliez, 2018), l’atelier porte sur les transformations sociales et spatiales impulsées par les circulations de marchandises, d’acteurs et de capitaux, le long des itinéraires empruntés. L'objectif est de documenter les effets des circulations marchandes sur la production de l’espace et sur le quotidien des acteurs, que ce soit en tant qu’opportunité économique ou de consommation. En dépassant un clivage urbain-rural, il s'agit de répondre à deux questions. Premièrement, comment les circulations marchandes transforment-elles et (re)signifient-elles les espaces ruraux et les espaces urbains, y compris les plus modestes (Robinson 2006 et 2008), qui jalonnent les routes empruntées ? Deuxièmement, comment les circulations marchandes ouvrent-elles des opportunités économiques et des espaces de consommation pour les habitants des Suds ? On postule que la production d’espaces, d’opportunités économiques et de consommations spécifiques sont en étroites interrelations. Les circulations d’objets marchands impulsent des rapports sociaux, économiques et politiques singuliers dans les lieux d’ancrage qu’elles traversent : marchés urbains et ruraux, espaces publics, quartiers commerçants, supermarchés, shopping malls, lieux de rupture de charge, etc.
L'atelier envisage de tisser des liens entre d’une part des approches sur la production contemporaine de l’espace urbain et d’autre part des travaux sur l’entrée de sociétés des Suds dans la consommation globalisée. Ouverte à toutes les sciences sociales, cette session sera l’occasion de faire dialoguer des recherches abouties ou en cours croisant l’étude des circulations commerciales avec l’observation des transformations spatiales et sociales qu’elles impulsent. Il s'agira aussi de permettre la rencontre d'approches issues de terrains variés et de dépasser les particularités des objets d’étude pour se concentrer sur l’appréhension des transformations paysagères, sociales, culturelles et politiques induites par ces circulations dans et aux abords des marchés africains.
Les axes transversaux de discussion seront les suivants :
1. Transformations des lieux marchands sous l’effet des circulations commerciales
2. Transformations des rapports sociaux, des modes de production et de consommation
3. Enjeux politiques et de régulations des circulations marchandes
Coordination : Adrien Doron et Anne Bouhali
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Partie 1
Partie 2
Résumés des communications
Des routes du bled devenues des routes commerciales : le commerce des femmes comoriennes lors des vacances au défi des liens de solidarité
Ahmad Abdoul-Malik
Cette communication cherche à mettre en évidence comment les femmes commerçantes comoriennes installées à Marseille transforment les routes du « bled » en temporalités propices à la réalisation d’opération commerciale (Peraldi, 2001). Dans quelle mesure cette temporalité commerciale épisodique (Ahmad, 2019, 2021) reconfigure-t-elle et/ou interroge les rapports sociaux (d’âge, de lignage et de genre) et économiques dans les espaces urbains et villageois d’origine ? Et comment ces transactions marchandes au pays nous invitent-elles à repenser les liens de solidarité entre ceux qui partent et ceux qui restent ?
Mondialisation et petit commerce transfrontalier à Kasumbalesa (Zambie/Congo)
Sylvie Ayimpam et Timothée Kazadi Kimbu
Un « couloir » transfrontalier relie la Zambie et le Congo-Kinshasa au poste-frontière de Kasumbalesa. Il s’agit d’un passage piétonnier aménagé depuis 2016, érigé en « petite barrière». Il est destiné à faciliter le petit commerce et à protéger les petits commerçants transfrontaliers des « tracasseries » et du chaos qui règne à la « grande barrière » où passent les marchandises du grand commerce. Cette communication a pour objectif d’analyser les péripéties du processus socio-politique ayant abouti à la création de ce couloir piétonnier transfrontalier.
Le black market d’Adjamé : un bazar au cœur de la métropole ivoirienne
Vakaramoko Bamba
Le black market d’Adjamé (district d’ Abidjan) s’est mué en un lieu incontournable dans les échanges commerciaux à Abidjan. En effet, c’est un centre commercial d’environ 400 magasins dédié à la vente des produits neufs et surtout d’occasion comme les téléphones et accessoires, la friperie et l’électroménager. Cette étude se propose de montrer les changements spatiaux et sociaux de ce haut lieu du commerce abidjanais sous le coup des échanges de marchandises.
Circulations transnationales et transformations urbaines : les importations de fripe en Tunisie et la production d’une centralité marchande à Tunis
Katharina Grüeneisl
Cette présentation examine comment les importations de fripe en Tunisie ont coproduit l’espace urbain à Tunis, en partant du quartier résidentiel de la Hafsia qui s’est transformé en centralité marchande grâce au commerce de la fripe. Cette présentation étudie des processus d’auto-construction et de consolidation graduelle qui ont transformé le quartier en district commercial pendant plusieurs décennies. Cette présentation offre une « contre-histoire » urbaine, soulignant le rôle des migrants ruraux et d’un commerce souvent perçu comme marginal ou informel, dans une production continuelle des relations socio-spatiales qui
construisent la ville.
Faire circuler la fripe en Afrique de l’Ouest : Acteurs, Transports et flux économiques entre les marchés de Kantamanto (Accra) et du Black Market (Abidjan)
Koffi Léopold Kouakou
La communication porte sur l’interaction entre circulation commerciale de marchandises et dynamiques migratoires avec comme entrée les marchés de fripes de Katamanto (Accra) et d’Adjamé (Abidjan). Le commerce des fripes présente des points fédérateurs qui allient des dynamiques transfrontalières dans les activités marchandes d’entrepreneurs migrants. Ainsi, la communication présente d'abord les marchés urbains comme points de départ des circulations marchandes transfrontalières et transnationales et avant de souligner le rôle des entrepreneurs migrants comme principaux acteurs des circulations marchandes au sein de l’espace Ouest Africain.