Présentation
Les printemps arabes, les divers mouvements “Occupy”, de même que les occupants de la place Taksim à Istanbul ont bien montré que la protestation politique va souvent de pair avec la mise en place d’instances de délibération publique où s’imaginent de nouvelles règles de discussion et de décision collectives. Bien avant Tahrir et la Puerta del Sol, de nombreux “parlements de la rue” s’étaient déjà institués sur ce mode en Afrique subsaharienne : “People’s parliaments” de Nairobi, “parlementaires debout” de Kinshasa, ebimeeza de Kampala, agoras patriotiques d’Abidjan, “grins” de Bamako ou de Ouagadougou... Espaces de confrontation avec le pouvoir, lieux contre-hégémoniques d’émancipation citoyenne tout autant qu’instruments de subordination politique, ces espaces de mobilisation et de prise de parole publique peuvent faire l’objet de diverses interprétations.
Menée dans le cadre d’un projet de recherche transatlantique sur la citoyenneté (Joint African Studies Program, entre le CEMAf-Paris 1 et l’Institute of African Studies–Columbia University), une recherche novatrice sur ces “espaces publics de la parole” a été lancée en 2010. Elle a donné lieu a une première publication (Dossier “Parlements de la rue : espaces publics de la parole et citoyenneté en Afrique”, Politique africaine, n°127, octobre 2012) et se poursuit avec de nouvelles enquêtes qui visent à confronter ces résultats à de nouveaux terrains (notamment au Nord du Sahara) et aux nouvelles vagues contestataires que connait notamment l’Afrique de l’Ouest depuis un ou deux ans (“Y’en a marre” au Sénégal, “Mercredi rouge” du Bénin, opérations coup de balai au Burkina Faso, etc.). L’atelier de Bordeaux sera l’occasion d’élargir la perspective comparatiste ouverte dans ces premières recherches et d’accélérer la production d’un second ouvrage actuellement en préparation.