Présentation
In “The Postcolonial Novel: History and Memory” (2012), C. L. Innes explains that “for many postcolonial writers history is the crucible out of which their fiction is fashioned. They respond not only to written histories in terms of content and narrative form, but also to concepts of history”. Historical facts are central in contemporary African fiction written in English, and these writers offer a redefinition of (what makes) history.
It thus seems important to try and determine what the politics and poetics of “contested pasts” (Dalley) and “potential history” (Azoulay) underlying these works are. Paul Ricoeur once wrote that “[i]nsofar as it no longer exists, the discourse on history can seek to grasp it only indirectly. It is here that the relation with fiction shows itself as crucial. The reconstruction of the past […] is the work of the imagination”. How “true” are these works? Nigerian Chinua Achebe once declared that he wrote his seminal Things Fall Apart [1958] in the realist vein, “in the way fiction can be true”? What are the modalities underlying the transmission of (post)colonial history? What are the generic propositions made by these African writers? Realism? African futurism? Magic Realism? To what extent do these works embrace the ontological turn in history? How do they position themselves in regard to postmodernism’s rejection of history when racialised and colonized people aim to write over their erasure from history? How do these authors adopt a decolonial mindset to challenge Western views of history as fixed, written, and tied to a Realist literary tradition? Do they enable to retrieve silenced/eclipsed beings from the past, those unrecognized in archives, those who “have no part” (Rancière)? How important is characterisation, verisimilitude, and narrative ethics in these African writers’ respective approach? What ethics of writing underlies these writers’ approaches to the writing of history especially in a (postcolonial) context where “history, in short, was the annals of the bully on the ground” (in Serpell, 2019)?
Khadr Hamza will analyse Nigerian writer Buchi Emecheta’s The Rape of Shavi by adopting the lens of science-fiction. He argues that Emecheta uses the possibilities of fiction to break away from the historical context and reinterpret the colonial encounter. Roxana Sicoe-Tirea Bauduin will explore Nigerian writer Sarah Ladipo Manyika’s In Dependence and her contribution to the historical fiction genre by pondering over the ethical considerations of writing history in a postcolonial context. Aurélie Journo will take a look at Anglophone 21st Century Kenyan writers such as Yvonne Owuor, Peter Kimani, Parselelo Kantai and Andia Kisia, and the modalities they put in place to fictionalise Kenyan history. Guillaume Cingal will delve into the issue of “magic realism” as a decolonising strategy in Kenyan writer Khadija Abdalla Bajaber’s The House of Rust. Finally, Elise Finielz will deal with the Francophone voices of Léonora Miano, Maryse Condé and Evelyne Trouillot, and their links with history.
Coordination : Indiana Lods and Cédric Courtois
"Décoloniser, rehistoriciser : la question du "réalisme magique" dans The House of Rustde Khadija Abdalla Bajaber"
Guillaume Cingal
The House of Rust est le premier, et à ce jour le seul, roman, d'une jeune écrivaine kényane appartenant à la diaspora hadrami. Paru en 2021, le roman raconte l'histoire d'Aisha, fille d'un pêcheur disparu en mer, et qui se lance à sa recherche en défiant les monstres marins, avec, pour l'aider, un chat savant et divers autres animaux non-humains. Il est généralement décrit au moyen des notions de Bildungsroman et de "réalisme magique", dont il apparaît pourtant qu'elles ne permettent pas de rendre compte de ce qui se joue vraiment dans ce texte. L'idée est moins, ici, de décoloniser la lecture ou la réception du texte que de montrer en quoi la configuration narrative cherche à rendre compte spécifiquement de l'histoire de la communauté hadrami sur le littoral de la Corne de l'Afrique. Ainsi, une œuvre qui semble superficiellement tirée vers les « littératures de l'imaginaire » (ce que confirme l'attribution du Ursula K. Le Guin Prize for Fiction en 2022) n'est pas si différente, dans sa fictionnalisation et sa reconfiguration d'une histoire méconnue et pluriséculaire, des projets littéraires de Maryse Condé dans Ségou ou d'Abdulrazak Gurnah dans Paradise et Afterlives.
La réécriture de la rencontre coloniale dans The Rape of Shavi de Buchi Emecheta
Hamza Khadr
Unique incursion de cette non spécialiste dans le genre de la science-fiction, The Rape of Shavi réécrit la rencontre coloniale pour l’inscrire dans un processus d’oscillation entre l’utopie et la dystopie. Buchi Emecheta utilise les possibilités de la fiction pour se détacher du contexte historique et réinterpréter ce moment charnière de l’histoire du continent. Avec l’avènement de la communauté de Shavi, elle imagine une société africaine précoloniale idéale aux accents rétro topiques. Cette dernière subit néanmoins le choc d’une rencontre fortuite avec les Westerners qui provoque son délitement progressif. Cette chute est le fruit d’une violence lente et insidieuse qui remet en cause la possibilité d’échanges culturels et commerciaux (positifs) entre deux mondes aussi différents.
Ce que la fiction fait à l’Histoire. À propos de quelques nouvelles et romans contemporains kényans
Aurélie Journo
Le propos de notre présentation est d’envisager la manière les écrivains kényans de langue anglaise du début du vingt-et-unième siècle investissent la fiction pour interroger et déconstruire ce récit historique national, en examinant précisément les modalités par lesquelles se fait dans ces textes la mise en fiction de
l’Histoire. Des textes publiés dans la revue Kwani ? par Parselelo Kantai et Andia Kisia aux romans de Yvonne Owuor (Dust) et de Peter Kimani (The Dance of the Jakaranda), tous semblent proposer des modes narratifs qui s’affranchissent, de diverses manières, des contraintes du roman social ou réaliste de leurs
prédécesseurs, et puisent au contraire dans d’autres formes (réalisme magique, récit polyphonique chez Kimani ; narration rhizomatique chez Owuor ; procédés méta fictionnels chez Kisia et Kantai) pour venir démonter la fiction qu’est tout récit historique (Ricoeur) et proposer, peut-être, de nouvelles façons de « faire récit » de l’Histoire.
Perhaps in the future there will be some African history to teach’: Decolonizing Historical Perspectives in Sarah Ladipo Manyika’s In Dependence
Roxana Sicoe-Tirea
My intention is to uncover how In Dependence not only contributes to the historical fiction genre, but also serves as a critical counter-narrative that questions and redefines our collective understanding of history. This analysis is centered around three main vectors: the critique of prevailing stereotypes, the subversion of established cultural hierarchies and the recontextualization of historical events and figures. Through this work, I aim to delve into the ethical considerations of writing history in a postcolonial context, while highlighting the power of fiction in presenting a more nuanced and equitable view of the past, thus reshaping present and future identities.
Sortir la voix des femmes/ la voix des peuples du silence : sur les traces-mémoire de l’esclavage transatlantique dans la littérature contemporaine
Élise Finiel
Cette communication s’intéressera à trois romans qui racontent les affres de l’esclavage transatlantique à travers la voix de femmes : Celles qui, en terre africaine, apprennent la capture de leurs fils et doivent composer avec le malheur pour survivre dans La saison de l’ombre (2013) de Léonora Miano ; Celles dont les mères ont survécu à la déportation et à la traversée, et sont nées dans une petite île à sucre de la Caraïbe : à la Barbade pour Tituba dans Moi, Tituba sorcière, …noire de Salem de Maryse Condé (1986), à Saint-Domingue quelques années avant la grande révolte pour Rosalie dans Rosalie
l’infâme (2003) d’Evelyne Trouillot.
Mon analyse ne portera pas directement sur les faits historiques de ces trois récits romanesques ou leur exactitude mais sur le rapport que ces récits entretiennent avec l’histoire. Dans cette communication, il s’agit en effet de « méditer un nouveau rapport entre histoire et littérature », comme Édouard Glissant nous y invite depuis le discours antillais : méditation d’une écriture littéraire, éthique et décoloniale des récits historiques qui viennent « quereller l’Histoire ».