Présentation
La « War on drugs » lancée en 1971 par le président Nixon a étendu au niveau global la répression face aux drogues. En Afrique, les législations héritées des politiques coloniales qui avaient exploité l’opium et le kif sont alors devenues répressives pour le trafic et la détention de stupéfiants, ménageant une possibilité de soin par l’injonction thérapeutique rarement pratiquée. À partir des années 2000, les connaissances médicales considèrent la consommation de drogues comme une addiction relevant de soins en santé mentale. En 2014, le Centre de Prise en charge Intégrée des Addictions de Dakar (CEPIAD) commence à délivrer un traitement de substitution (méthadone) et des soins, et à mener des interventions de réduction des risques auprès des consommateurs ; d’autres centres se développent ensuite en Afrique de l’Ouest. A l’international, les instances (à l’exception de quelques pays dont la France en 2021) promeuvent alors une approche combinant santé et droits humains et distinguant les consommateurs des fournisseurs. De plus, la légalisation partielle du cannabis (a minima du CBD) dans de nombreux pays souvent producteurs et l’émergence de nouvelles drogues complexifient les approches juridique et médicale.
Ce cadre en mouvement (nouveaux produits en circulation tels que le tramadol, législations en cours de modification, nouveaux services de soins en addictologie, circulation du modèle global de réduction des risques, émergence d’associations de consommateurs...) tend à médicaliser les pratiques autour des drogues, alors que les approches répressives continuent à confondre la consommation et le trafic. Or, les études ethnographiques sur les drogues, peu nombreuses, se sont rarement intéressées à l’axe « répression-soin » qui semble désormais essentiel pour rendre compte du rapport aux drogues, diversifié selon les produits, les sites, et la place des acteurs dans la « vie sociale des drogues ».
Ce panel vise, dans la perspective du Réseau des scientifiques sur les drogues en Afrique Francophone (RESCIDAF, rescidaf.hypotheses.org), à documenter des pratiques sociales qui relèvent de la répression, du soin, ou d’une combinaison de ces deux champs. L’objectif est de montrer les formes et effets locaux du changement de paradigme (soigner au lieu de réprimer), les tensions ou les interprétations conciliantes qui découlent d’injonctions globales ou nationales dans des contextes locaux, concernant divers acteurs de la production, la transformation, la commercialisation, la consommation, la répression, le soin pour les psychotropes illicites.
Coordination : Alice Desclaux et Gautier Ndione
Communications
Mbissane Ngom
Circulation des modèles et réformes juridiques en Afrique de l’ouest
Jérome Evanno
Analyse communautaire et contextuelle de l’usage de drogues et des politiques des drogues en Guinée-Conakry, Libéria et Sierra Léone
Benoît Tine
De l’ombre à la lumière : Ethnographie d’une association de consommateurs de drogues injectables en Casamance
Mouhamet Diop
Usages et usagers du cannabis face à la répression au Sénégal
Paul Van Eersel
Parcours de S., usager de drogue face à la loi et au tabou entre la France et l’Afrique de l’ouest