Les Rencontres des Études africaines en France


Retrouvez l'ensemble des ateliers proposés lors des différentes rencontres organisées par le GIS

Expériences et défis du privilège dans la migration (de retour) vers l’Afrique

REAF 2022
Circulations dans les Afriques, Afriques en circulation
Toulouse

Présentation

Les routes et trajectoires contemporaines de l’Occident vers l’Afrique sont moins surveillées par les gouvernements et organisations internationales ; elles sont aussi plus invisibilisées dans les discours sur les migrations et moins interrogées dans l’espace académique. Ces aspects masquent parallèlement les circulations des membres des diasporas africaines né.e.s sur le continent ou en Occident, détenteurs.trices de passeports occidentaux, qui (re)partent en Afrique pour devenir entrepreneurs, fonctionnaires, salariés d’entreprise ou professionnels au statut d’expatrié.

Les circulations depuis l’Occident suivent des chemins et tracés qui n’ont pas toujours été modifiés après les indépendances africaines, même s’ils diffèrent selon les contextes économiques et les dispositifs politiques, juridiques et migratoires des pays de destination. Les conditions de mobilité, les opportunités professionnelles, les standards et styles de vie et les réseaux de sociabilité ne sont pas les mêmes au Ghana, au Sénégal, au Kenya ou en Afrique du Sud. Les choix de résidence, de système éducatif et sanitaire, de loisirs, d’insertion professionnelle, sont en partie déterminés par des structurations légales, politiques et historiques. Celles-ci soulignent à de nombreux égards des privilèges postcoloniaux accordés aux ressortissants des pays occidentaux.

Toutefois, l’expérience de ces privilèges est très diversifiée selon les acteurs. Leurs privilèges peuvent être détenus avant une (ré)installation en Afrique ; ou bien acquis, adoptés, appris et objets d’habitudes une fois sur place. Ils peuvent aussi être rejetés, ou perdus puis regagnés. Ces expériences dépendent des temporalités, lieux, contextes et sphères de socialisation dans lesquels évoluent les acteurs concernés. Les privilèges qu’ils portent tissent des liens symboliques, relationnels et matériels complexes. Ils peuvent aussi devenir un obstacle et un défi au quotidien, selon la manière dont ces privilèges sont perçus localement, et parfois subvertis, combattus (frontalement ou silencieusement) dans les sociétés d’accueil. Enfin, les mobilités internationales entre l’Occident et l’Afrique sont liées à une néo-libéralisation grandissante qui renforce la fracture Nord-Sud. Dans ce contexte global, l’acquisition de privilèges reste localement associée à une blanchité sociale postcoloniale, qui va au-delà des marqueurs chromatiques et affecte les rapports de pouvoir, en bousculant ou en durcissant les relations de classe, de race et de genre. Cet atelier vise à explorer les circulations entre les pays occidentaux et l’Afrique à travers le prisme du privilège. Comment est-il vécu et quels défis soulève-t-il dans l’expérience quotidienne au sein et depuis les sociétés d’accueil africaines ? En quoi est-il lié à des histoires différentes de la colonisation et de la décolonisation, aux rapports de pouvoir économiques et politiques actuels ? Qu’est-ce que les expériences révèlent des structures et ressources du privilège ? Comment la blanchité sociale y est-elle incarnée et comment les acteurs provenant de pays occidentaux, y compris ceux liés aux diasporas africaines, s’en accommodent-ils ? Comment prennent-ils conscience (ou non) de positions privilégiées, comment vivent-ils avec et sont-ils appréhendés dans les sociétés d’accueil ? L’ensemble de ces questions peut aussi concerner des enjeux relatifs à la réflexivité méthodologique et à la production des savoirs sur l’Afrique.

Coordination : Hélène Quashie et Tamara Last

Résumés des communications

Partir pour mieux revenir ? Le privilège dans la construction des carrières LGBTI post-exil

Cyriac Bouchet-Mayer

Cette communication s’appuie sur des récits d’hommes demandeurs d’asile, réfugiés ou naturalisés, exilés en France au motif de leur orientation sexuelle ou identité de genre. L’analyse porte sur les imaginaires sociaux qui construisent des projets de retour vers les pays africains de provenance. Elle souligne la manière dont l’exil entraîne des enjeux de reclassement social, réel ou supposé, qui permettent aussi d’imaginer l’acquisition possible de privilèges pour un retour socialement valorisé.

Les rapports franco-malgaches en situation postcoloniale : malaises dans la chaîne de production d’une “entreprise sociale”

Zoé Tinturier

Cette présentation interroge l’impact de la position privilégiée des coopérant.e.s français.e.s au sein d’une activité de vente d’un produit alimentaire à Antananarivo. Sur la base de données récoltées entre 2015 et 2018, je montre comment le refus des coopérant·e·s d’investir leur rôle d’employeur·euse·s s’accompagne de formes d’invisibilisation du travail des vendeuses ; et comment le processus de hiérarchisation à l’oeuvre s’accompagne d’une politisation latente à l’échelle des vendeuses.

From colonial civil servant to expatriate at the eve of Kenyan independence

Sarah Kunz

This paper traces the transformation of the colonial civil service into a national Kenyan civil service and the associated transformation of colonial civil servants into either ‘local’ or ‘expatriate’ officers. It discusses how the British lobbied aggressively to define the category expatriate in a way that restricted it almost exclusively to white male officers, excluding ‘Asian’ and ‘African’ officers and women. The paper thus traces the reproduction of white privilege and British postcolonial influence in ways that resonate today.

Real and perceived positions of European immigrants entering the South African labour market

Terry-Ann Jones, Tamara Last

Under colonial and white minority rule, South Africa’s governing bodies, infrastructure and labour market were built to privilege people of European descent. Majority democratic rule, legislative reform and economic transformation policies have not (yet) significantly reconfigured social and structural inequality. This paper explores the interplay of social recognition and privilege in how contemporary European immigrants experience and are perceived within the South African labour market.

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