Présentation
Nous proposons une réflexion sur les relations entre le champ scientifique qui se traduit par des publications, et la partie « personnelle » de la recherche, celle qui se vit sur les terrains africains. Les pratiques de terrain sont souvent passées sous silence, parfois exposées dans les chapitres introductifs, méthodologiques ou les annexes des thèses, comme si elles relevaient d'une expérience subjective et devaient rester marginales par rapport à l'exposé scientifique. Elles représentent pourtant une expérience quasi initiatique pour les chercheurs géographes, comme dans bien d'autres sciences sociales. Il s'agit d'une expérience située à l'amont du travail scientifique, qui oriente ses réflexions et les nourrit, et souvent aussi les dévie. L'image du terrain vague convient assez bien pour comprendre le terrain comme un espace de l'entre-deux, entre la déconstruction et construction, espace de rencontre entre un individu et son objet d'étude, et enfin comme un espace d'invention. Une telle réflexion prend un sens fort à propos des études africaines, pour un ensemble de raisons qui tiennent d'une part à l'ancienneté, l'intensité et l'ambivalence des relations franco-africaines, et des études géographiques sur l'Afrique, d'autre part à la rapidité, parfois la brutalité, des changements sur le terrain (comment réagir par rapport à une sorte « d'effondrement » de son terrain, l'effacement soudain de ce qui semblait stable '). Parmi les motivations qui concourent au choix d'étudier l'Afrique on trouve quelques constantes, le désir d'éprouver une altérité fortement, un certain engagement qui s'apparente souvent au projet, fort louable en apparence, de contribuer à corriger des injustices. La perception du chercheur en Afrique est bien évidemment loin d'être neutre, et joue donc de multiples manières sur les informations délivrées par les sociétés africaines. Certaines contraintes (de temps et matérielles) ont contribué à des orientations méthodologiques particulières : importance accordée au paysage, approche ethnographique, inspirée de l'observation participante' La conséquence en est la construction d'une « géographie par le bas », attentive aux stratégies, représentations et pratiques des acteurs locaux et à leur relation à l'espace.