Présentation
Coordination: Rémi Jenvrin, Okoekpen Salomé
La pratique de l’enquête ethnographique en contextes africains a fait l’objet ces trente dernières années de nombreuses remises en question éthiques et épistémologiques. Parmi ces débats, se pose la question de la proximité des ethnographes au terrain d’enquête. L’image du chercheur blanc, majoritairement masculin, partant étudier un ailleurs qui lui est étranger, à la rencontre d’un Autre avec lequel il ne partage aucun trait, demeure. Aussi, malgré la volonté de certain.e.s de se détacher du passé colonial de disciplines telles que l’anthropologie ou la géographie, et de rendre apparente la position du chercheur sur son terrain, notamment à travers l’usage de méthodes plus réflexives et alternatives, la pratique de l’ethnographie reste prisonnière d’oppositions binaires, du type natif.ve/non-natif.ve ou insider/outsider.
Suivant les disciplines, la proximité avec le terrain présenterait plus ou moins d’avantages ou produirait au contraire des biais importants dans le processus de production scientifique. Le.la natif.ve/insider aurait un accès facilité au terrain et une meilleure expertise du fait de son rapport intime au contexte d’enquête. Inversement, le.la non-natif.ve/outsider serait plus apte à l’objectivité du fait de son éloignement culturel et de sa distance initiale avec le terrain. Ces catégorisations binaires, s’apparentant à des assignations identitaires, structurent les pratiques ethnographiques et déterminent toujours les façons dont elles sont enseignées. Pourtant, dans un contexte d’hétérogénéisation du champ académique, les universités des Nords accueillent des profils de plus en plus variés en terme de genre, d’origine socio-économique et géographique. Ainsi, qu’en est-il des chercheur.e.s à l’intersection de ces catégories, ni tout à fait natif.ve.s, ni tout à fait étranger.ère.s, celles et ceux issu.e.s de la migration, de l’adoption, du métissage, des diasporas africaines, mais aussi de celles et ceux qui ont passé leur enfance sur le continent africain ?
Cet atelier vise à questionner différentes expériences de recherche en prise avec ces questionnements. Aussi, il s'adresse en priorité aux chercheur.e.s ayant bénéficié d’un parcours académique dans les Nords avec des liens personnels ou intimes (liés au trajectoires individuelles ou familiales) avec le
terrain d’enquête, et pour lesquel.le.s celui-ci est vécu comme ou assimilé à un retour.
À la recherche du temps perdu : situation ethnographique d’une midsider
Ghaliya N. Djelloul
Retournant sur les lieux de mon enfance après dix-sept ans d’absence, ma recherche doctorale m’a permis de problématiser ma « situation ethnographique (Rachik, 2016) de midsider. Cette position multisituée, à la frontière entre les groupes, entraine une forme de trouble car elle est susceptible de les trahir de l’intérieur.
Être une chercheuse minoritaire affiliée au Sénégal et en France : réflexions épistémologiques à partir d’un statut académique diasporique
Hélène Quashie
Cette communication questionne certains modes de production scientifique dans l’analyse des dynamiques sociales africaines, au miroir de savoirs situés liés à une positionnalité diasporique entre des sphères académiques africaines et européennes.
Du “Lit de Procuste” à la “Rencontre équitable”: Récit d’une crise épistémologique et d’un malaise de chercheure du Sud nourrie aux théories occidentalo-centrées
Meriem Mokdad Zmitri
Sera partagé un parcours hybride (Tunisie/France) de chercheure tunisienne formée aux théories occidentalo-centrées. Une crise épistémologique s’en est suivie réfutant le paradigme du “lit de Procuste” en faveur de celui de la “Rencontre équitable”.
Dépasser le contre-transfert culturel, pour aller vers une réflexion située.
Annabel Bezo
Être psychologue et chercheuse. Comment travailler avec la question de la proximité culturelle quand on fait partie de sa population de recherche ?
Négociations d’assignations identitaires multiples, enjeux de deux chercheur.e.s à la fois d’ici et de là-bas
Salomé Okoekpen
Rémi Jenvrin
Sera présentée, à partir d’expériences de deux itinéraires de recherche, un retour réflexif sur les négociations constantes, souvent banales, qu’impliquent les assignations identitaires multiples liées au métissage entre la France/Suisse et le Bénin/Nigeria.