Présentation
Les six One Planet Summit organisés depuis 2017 ouvrent une nouvelle lecture des débats sur les relations entre la France et les différents pays du continent africain. De nombreux éditorialistes politiques affirment que derrière son ambition écologique, le président français cherche à réinventer la relation avec les pays africains, de plus en plus critiques vis-à-vis de Paris. En effet, le président Emmanuel Macron est l’un des trois promoteurs des One Planet Summit, avec Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, et Jim Kim, président du Groupe Banque Mondiale. Ces sommets marquent une nouvelle relation entre la France et les pays africains, notamment autour de la protection des forêts tropicales (par exemple le One Forest Summit au Gabon et l’initiative Gabon Vert) ou contre la désertification (voir notamment le troisième One Planet Summit et l’accélérateur de la Grande Muraille verte). Ces projets amènent une vision particulière, très fortement ancrée du point de vue économique et capitaliste de l’écologie en Afrique. Le premier aspect est bien sûr l’idée de valoriser ces ressources écosystémiques en Afrique et de souligner l’importance de ce continent dans la lutte contre le changement climatique. La manifestation pratique de cette vision est la conservation et/ou la régénération, telles que décrites dans les différents projets de Grande Muraille (la verte le long du Sahel ou la bleue dans l’océan Indien). Cette idée de l’émergence d’une diplomatie verte de la part de France ne va pas sans rappeler, de manière provocatrice, les débats autour de la ‘FranceAfrique’. En effet, cette diplomatie verte s’articule aussi autour d’une nouvelle conception du développement durable, qui conditionnerait l’échange de la dette publique à l’investissement dans la résilience climatique et la production d’énergies renouvelables. L’idée d’un échange, d’une dette contre la nature, devient donc un axe potentiellement important dans la redéfinition des rapports entre la France (et plus généralement l’Occident) et l’Afrique. Le but de cet atelier est de solliciter des interventions croisées d’anthropologues, géographes, historiens et politistes sur la place centrale de l’écologie dans les rapports entre la France et le continent africain à travers différents projets verts, leurs économies politiques et les mécanismes financiers qui les sous-tendent.
Coordination : Priscilla Duboz et Jérémy Allouche
La Grande Muraille Verte
Ousmane Ndione
Au-delà d’un simple projet d’envergure continentale de restauration de terres dégradées, la Grande Muraille Verte constitue un levier propice de refondation et/ou de consolidation des liens entre l’Afrique et ses partenaires bilatéraux au premier rang desquels la France. La communication que je propose examine le rôle de la Grande Muraille Verte comme instrument de diplomatie environnementale permettant de remodeler les relations de coopération entre la France et l’Afrique dans le contexte de débats passionnant sur la dette écologique.
Rôle de écologie et nature au centre des évolutions en Afrique subsaharienne – cas du Tchad
Ibrahim B Ahmat
L'objectif de cette étude est d’analyser la promotion du développement durable et équilibré, dont l’objectif affiché est de prendre en compte les besoins de la population, tout en préservant les écosystèmes naturels et la biodiversité. En mobilisant une approche historique et analytique, le rôle attribué à l'écologie
et nature dans les évolutions en Afrique subsaharienne, et plus particulièrement au Tchad, sera discuté.
Political ecology de la lutte contre la déforestation : sémantique et rapports de pouvoirs entre l’Occident et l’Afrique
Moïse Tsayem Demaze
La sémantique de la lutte contre la déforestation est foisonnante depuis le début des années 1990, et converge sur la gestion durable des forêts. Comment et par qui ces concepts sont-ils forgés et diffusés ? Quels sens et quelles significations revêtent-ils ? En mobilisant la political ecology en tant qu’approche
analytique, cette communication décrypte ces concepts et montre en quoi ils sont révélateurs de rapports de pouvoirs entre l’Occident et l’Afrique.
Politique internationale et projets verts : comment tenir compte des migrations climatiques?
Jean Noel Ferrie
Les migrations climatiques articulent deux problèmes particulièrement stressants pour les opinions publiques et pour les acteurs politiques (du nord) : le changement climatique et les migrations. Contrairement aux migrations économiques, les migrations induites par le climat se présentent comme
résultant d'une contrainte majeure dans laquelle les pays développés portent une indéniable responsabilité, puisqu'ils sont les principaux responsables de l'émission de gaz à effet de serre. L'observation et l'analyse de débats tenus à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, au Parlement européen et à l'Assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée montrent le difficile maniement de la catégorie "migrants climatiques" dans les relations internationales des pays de la rive nord de la Méditerranée avec le continent africain.