Les Rencontres des Études africaines en France


Retrouvez l'ensemble des ateliers proposés lors des différentes rencontres organisées par le GIS

La production des notables dans l’Afrique contemporaine : Nouvelles figures, nouvelles pratiques ?

REAF 2010
Recherches et débats : réinventer l'Afrique?
Bordeaux

Présentation

L'atelier que nous nous proposons d'organiser veut questionner les figures de la notabilité en Afrique. Au côté des figures classiques du notable politique, ou bien encore du notable coutumier et du chef religieux, on a vu l'émergence de leaders associatifs, courtiers en développement, migrants, nouveaux marabouts dits ‘mondains', sportifs comme autant de «  figures de la réussite  » (1), voire de «  big men  » (2), occupant de plus en plus des positions de prestige et de pouvoir à des échelles variées (locale, nationale, internationale) sur la base de ressources et de capitaux tout aussi divers (politique, économique, social, matériel et symbolique). Or, les catégories analytiques existantes épuisent difficilement la réalité complexe des dynamiques d'hybridation à l'œuvre dans la production des notabilités contemporaines qui se caractérisent selon nous par leur caractère multidimensionnel (politique, religieux et culturel par exemple), leur multi-appartenance et multipositionnalité (cumul de ressources, sédimentation de capitaux, positionnement multiple à l'intersection de champs et pratiques de straddling ). En prêtant attention spécifiquement à ces notabilités de l'entre-deux hétérogènes et composites, aux processus de construction et conditions d'avènement de ces figures publiques, à leurs trajectoires et carrières, à leurs pratiques et « qualités » sociales, nous souhaitons mener une réflexion sur les processus de notabilisation, les conditions du pouvoir et du prestige et leurs mécanismes de production et de reproduction. On cherchera ici à souligner ce que nous donnent à voir et à penser ces acteurs à propos des sociétés africaines contemporaines, mais également à mettre en lumière les difficultés à nommer des figures aux profils complexes, complexifiés, multiples et hybrides. Il s'agit ainsi d'abord d'étudier les processus de notabilisation et leurs traductions socio-politiques en regardant si l'émergence de ces acteurs conduit à des reconfigurations de l'espace public et politique ou, au contraire, est le produit de transformations politiques opérées sur le long cours. L'historicisation des notabilités à la fois comme produit et générateur de mutations sociétales peut permettre d'envisager l'évolution des statuts notabiliaires et des positions de pouvoir contemporaines, les dynamiques de légitimation/délégitimation, qualification/disqualification de certains capitaux et ressources, mais également les recompositions des champs sociaux et politiques et les transformations des imaginaires politiques et des représentations sociales. Le glissement des lignes de démarcation générationnelle entre aînés et cadets sociaux s'avère ici central dans l'appréhension des configurations et dénominations notabiliaires. Le processus d'hybridation se donne à la fois à lire dans la radicalisation de l'ancienneté comme critère de sagesse et de la notabilité, mais aussi et paradoxalement, dans la construction de figures originales, paternelles et tutélaires qui ne sont plus forcément déterminées par le critère d'âge et d'ancienneté comme principe structurant des modèles d'autorité contemporains. L'étude des mécanismes sociaux de production, de construction de ces figures notabiliaires permettra d'initier une réflexion épistémologique. La validité des outils et catégories d'analyse employés par les sciences sociales prompts à postuler ces phénomènes en termes de « nouveauté », ou de substitution (passage d'une figure à l'autre, relégations) sera questionnée. Le recours à la qualification de « nouveau » tend souvent à réifier une confrontation entre passé et présent et à durcir la dimension balistique des carrières et mutations socio-politiques sans tenir compte des processus d'adaptation, de retraduction et de réinvention, comme invitent pourtant à le faire ces figures hybrides, et qui se donnent également à lire à travers la résurgence des monarchies, chefs coutumiers ou la formation sur le continent de dynasties familiales républicaines et transmissions dynastiques du pouvoir. En outre, ces notabilités hybrides invitent à questionner la dimension relationnelle et clientélaire au cœur de la définition classique du notable politique, permettant ainsi d'interroger et de retravailler les notions de clientèle et de néo-patrimonialisme. (1) Médard, J-F. (1992), « Le Big Man en Afrique : Esquisse d'analyse du politicien entrepreneur », L'Année sociologique , n°42, p. 167-192. (2) Banégas, R. et Warnier, J-P. (2001), « Nouvelles figures de la réussite et du pouvoir », Politique Africaine , n°82, p.5-21. Organisé par Emmanuelle Bouilly et Marie Brossier, doctorantes en Science Politique - CRPS-CESSP/ membres de la GIRAF - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

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