Présentation
Coordination: Christel Dior Tamegui
Le présent atelier explore les perspectives développementalistes qui structurent la doctrine d’emploi des armées africaines et qui font de ces dernières des « forces duales », c’est-à-dire des forces armées qui sans perdre leur identité martiale, se consacrent souvent à la réalisation de missions civiles de développement. Ces interventions de l’armée dans l’action publique de développement se font dans des contextes différents et prennent plusieurs formes : En s’appuyant sur l’action de l’Unité réhabilitation et reconstruction, Camille Haye étudie le processus de reconquête territorial de la ville de Baroua au Niger en contexte d’insécurité, à travers les actions civilo-militaires de type humanitaire. Traoré Siaka propose dans un premier temps une analyse de la trajectoire historique de construction d’une identité développementaliste de l’armée ivoirienne et dans une deuxième temps une étude du contexte post-crise en Côte d’ivoire, en démontrant comment l’État s’appuie sur l’unité du Génie militaire pour reconstruire les infrastructures militaires et civiles. En mobilisant la doctrine de Toma Sankara, le texte de Donald Bétegné donne à voir que cette figure emblématique de la résistance africaine considérait que l’identité exclusivement marxiste de l’armée est une conception coloniale et prônait l’intégration de l’armée dans l’action publique de développement. Enfin, Abdoul Wahab Cisse s’intéresse à l’armée malienne et analyse d’abord l’évolution de la dualisation de la fonction militaire sous différents régimes politiques et évalue ensuite la perception que les différents acteurs, militaires, civils etc. ont des missions de développement de l’armée.
La figure du « soldat-ouvrier » chez Sankara : représentations et rôle de l’armée dans le développement socioéconomique des nations africaines francophones
Donald Betegne
A partir d’une grille théorique constituée de l’institutionnalisme historique, cette communication démontre que la pensée politique de Thomas Sankara a contribué à l’élargissement du champ d’intervention des forces armées en Afrique francophone. Ce dernier critique la fonction classique de l’institution militaire et estime qu’il est naturel qu’elle participe à l’effort de construction et d’édification des États, en devenant un acteur à part entière du développement économique.
La mystique du « soldat-bâtisseur » au Mali contemporain (1960-1991)
Abdoul Whab Cisse
La fonction duale de l’armée est inscrite dans la doctrine militaire du Mali depuis l’accession du pays à l’indépendance en 1960. Sous la houlette de Modibo Keïta et jusqu’à la chute du régime militaire du général Moussa Traoré en 1991, l’armée est un instrument de développement. Cependant, la mission développementaliste de l’armée a progressivement été abandonnée au profit d’une conception plus classique de son rôle. Ce travail de recherche analyse la perception des militaires de leur fonction duale et les raisons qui ont conduit à la réduction de ces missions de développement.
L’armée nigérienne, acteur d’un redéploiement multidimensionnel de l’État sur son territoire ?
Camille Haye
A partir de données empiriques collectées à Niamey au Niger, cette communication analyse la participation des forces armées nigériennes à l’action humanitaire dans un contexte de crise sécuritaire. Elle postule que les missions humanitaires de cette armée poursuivent deux objectifs : un objectif civil de développement et un objectif sécuritaire de rétablissement de la paix. Cependant, l’état de vulnérabilité socio-économique des populations révèle le caractère limité de ces missions duales.
Le génie militaire sur le front du développement de la Côte d’Ivoire : historicité, dynamiques des actions civilo-militaires
Siaka Traore
A l’issue de la crise socio-politique de 2002 et de la crise postélectorale de 2011, le gouvernement ivoirien a mis l’accent sur le lien armée-nation en renforçant la fonction développementaliste des forces armées ivoiriennes, notamment du corps du génie militaire. Cependant, cette période ne marque pas le début de l’action développementaliste de l’armée car elle participe à l’aménagement du territoire depuis l’indépendance du pays.
Le rôle de l’armée camerounaise dans le développement socioéconomique des zones crisogènes et post-conflictuelles
Lionel Messia Ngong
Depuis plusieurs années, le Cameroun fait face à un contexte sociopolitique instable. L’on observe une montée en puissance des activités des groupes terroristes et d’extrémistes violents dans certaines régions du pays, notamment dans les régions du Nord. Plus tôt dans les années 2000, le Cameroun a connu un différend avec le Nigéria voisin au sujet de la péninsule de Bakassi. C’est ce contexte d’insécurité que l’armée camerounaise se déploie non pour défendre le territoire national mais aussi pour participer au développement des zones instables.