Les Rencontres des Études africaines en France


Retrouvez l'ensemble des ateliers proposés lors des différentes rencontres organisées par le GIS

Les sociétés africaines et les objets techniques : réinventer les différences (XIXe siècle à nos jours)

Présentation

Coordination: Beucher Benoit & Didier Nativel

La mise au contact des Africains avec des objets techniques est un poncif de la littérature coloniale. Gallieni, lors de sa mission au Soudan de 1879-1881, se plait ainsi à observer la réaction de curieux réunis devant un petit objet électromagnétique, une machine de Clarke, et surtout l’effet de décharges électriques provoquant, à le lire, « des contorsions d’un grotesque fort divertissant ». Ce rapport entre l’homme et la machine, est à coup sûr constitutif de la formation de la « bibliothèque coloniale ». En retour, il informe les savoirs et les représentations des Africains à l’égard d’Européens censés former une société technicienne. Si les machines (horloges, véhicules motorisés, armes à feu, smartphones, etc.) sont bien des artefacts venus de loin, s’ils participent à des circulations globales, ils n’en sont pas moins insérés dans des trajectoires historiques spécifiques, dont africaines, où ils trouvent à être « naturalisés ». Suivant des « parcours transculturels » qui en font des supports de représentations multiples et évolutives caractéristiques des « marchandises globales », ils sont l’objet de « réinventions de la différence » qui sont aussi une forme de réappropriation de la « modernité » et de redéfinition de son sens. Ce panel, tout en adoptant une approche résolument pluridisciplinaire, vise à saisir les vertus heuristiques de l’approche par l’entrée des « machines » en soumettant à la discussion une série de questionnements. On peut en effet se demander comment l’usage de la machine modèle des styles de vie, des façons d’êtres, des formes d’auto-compréhension ? Dans cet ordre d’idées, comment les parcours de formation, formelle ou informelle, du forgeron au physicien, sont elles conçues, vécues, appropriées ? Comment le rapport à des objets par définition complexes participent-ils de rapports de pouvoir, dont l’asymétrie n’est pas toujours du côté où on l’attend ? Enfin, comment modifie-t-il les relations et les hiérarchies sociales ? Les intervenant(e)s aborderont ces problématiques à travers des études empiriques, fondées sur de fines enquêtes conduites sur des terrains géographiquement divers.

Le temps et la montre en Afrique subsaharienne : exégèse d’une étude méconnue de Georges Balandier

Benoit Beucher

Au début des années 1960, la Fédération horlogère suisse a demandé à l'anthropologue Georges Balandier d'étudier le potentiel du marché des montres en Afrique. Les enquêtes menées en France, au Royaume-Uni, en Côte d'Ivoire et au Nigeria ont révélé des éléments qui défient les stéréotypes sur les Africains, souvent perçus comme lents, traditionnels et incapables de s'adapter à la modernité. Balandier, à travers l'analyse de la montre, a proposé une approche critique de la modernité, démontrant que ces idées reçues sont erronées. Cette étude inédite montre que les Africains ont une relation complexe avec le temps et la modernité, contredisant les clichés coloniaux. Le but est de replacer ces découvertes dans un contexte critique qui reflète les avancées récentes en historiographie et les processus de réinvention culturelle en Afrique.

Parcours transculturels de deux dispositifs de contrôle des mobilités au Niger (2016-2023) : les systèmes d’identification biométrique et la loi contre le trafic illicite des migrant·es, «donnant- donnant » (1), archive (2) et dissipation (3)

Alizée Dauchy

Cette présentation résume une enquête menée entre 2016 et 2023 sur l'externalisation des frontières européennes au Niger, axée sur deux dispositifs de contrôle des mobilités : les systèmes d'identification biométrique et la loi contre le trafic illicite des migrants (loi 2015-36). Ces dispositifs, malgré leurs
différences – l'un technologique, l'autre législatif –, partagent des similitudes comme "artefacts venus de loin" issus de circulations globales.
Le système biométrique répond à des projets mondiaux sur les identités digitales, soutenus par l'ONU, l'OIM et Interpol. La loi contre le trafic illicite des migrants est une adaptation du Protocole des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. L'étude de ces dispositifs met en évidence des
réseaux d'acteurs complexes qui pourraient transformer les relations sociales et économiques au Niger, tout en reflétant des tentatives européennes de contrôler les frontières nigériennes. Dans le contexte sécuritaire et politique particulier du Niger, la présentation examine ces dispositifs à travers trois phases : le "donnant- donnant", les archives, et la dissipation.

Lire les relations Afrique - France dans un percolateur italien. Diaspora burkinabé, envoi de containers et développement par le bas après la suspension de l'APD

Pietro Fornasetti

Aujourd’hui, le « contact » entre sociétés française et burkinabè semble relever du tabou. Pourtant, au Burkina Faso, l’incorporation d’objets de provenance supposément « française » reste un fait quotidien et incontournable, en milieu rural comme urbain. Est-ce-que cela répond à une logique d’importation de
modèles étrangers, à l’imitation des élites, ou à l’extraversion des sociétés de la région dans la longue durée ? Pour en discuter, je prendrai l’exemple des cafetières italiennes, que la diaspora burkinabè basée dans la botte envoie par container et revend au pays des hommes intègres. Ici, ces machines sont labellisées sous le sobriquet de « France au revoir », sans que cela ne pose des véritables problèmes de marketing. Étudier les conditions, idéologiques et matérielles, de l’appréciation de ces objets, permettra de regarder différemment les relations afro-françaises.

L'idéal du cassé" ? Les transports informels en Afrique, le ravaudage et la maintenance

Robert Heinze

La présentation fait appel aux réflexions du philosophe Alfred Sohn-Rethel sur les connexions entre la technologie et le travail pour analyser l'histoire des transports informels en Afrique, en particulier les pratiques de réparation et ravaudage, les véhicules remodelés, des « bousillages » et reconstructions.
Comment la relation entre technologie et homme s'est-elle développée dans le cadre du capitalisme dès 1945 ? Comment l'inclure dans l'histoire de la technologie en Afrique ?

Pour une histoire sociale de la mécanique automobile à Madagascar (1895-1972)

Didier Nativel

Cette communication entend poser les bases d’une réflexion sur le monde social des ateliers et des garages de l’époque coloniale et de la Première République à Madagascar. Comme ailleurs dans l’empire français et dans le monde, une certaine « automobilisation » des sociétés explique l’émergence de techniciens spécifiques dont l’histoire n’a pas encore été faite en ce qui concerne la Grande île. À ce titre, une attention particulière sera accordée aux mécaniciens malgaches d’Imerina et aux créoles de la Réunion, à partir d’archives multiples et de témoignages oraux.

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