Présentation
La crise et ses multiples manifestations ont révélé les faiblesses de l’Etat malien et les limites du processus formel de démocratisation entamé depuis 1992 et sanctionné par les élections (auxquelles les Maliens participaient peu), tout comme les échecs de la gestion des relations de l’État central avec le Nord du pays depuis l’indépendance. La corruption des élites, et plus largement la «criminalisation de l’État», ont ainsi été dénoncées, tout comme les effets pervers du «consensus» politique mis en place sous la présidence d’ATT, dont les partis et la classe politique sont sortis largement discrédités. Cela explique probablement pourquoi le putsch a d’abord suscité un certain écho populaire, et a parfois été considéré comme une fenêtre d’opportunité pour un changement radical. Les divisions au sein de l’armée et ses faiblesses opérationnelles ont cependant rapidement eu raison de cet enthousiasme initial. Dans ce contexte, les élections à venir posent la question du renouvellement – ou non – de la classe politique et de ses pratiques.
L’implication des acteurs internationaux est un autre trait marquant de la période actuelle. Si les putschistes ont mobilisé des arguments nationalistes et souverainistes jusqu’à janvier 2013, la gestion du conflit a de fait été largement internationalisée avec la médiation et les pressions exercées par la CEDEAO dans un premier temps, puis l’intervention de la France et de l’ONU dans un second temps.
Par ailleurs, l’occupation par des groupes islamistes des trois régions du Nord a également constitué un révélateur. Ces groupes portaient la promesse d’une purification morale de la société et d’une justice pour tous, aspirations qui se sont rapidement trouvées en porte-à-faux avec la brutalité de leurs méthodes. Mais au-delà de l’instauration de la Charia au Nord, le rôle de relais des frustrations sociales joué par les religieux dans l’ensemble du pays a également interrogé le modèle de «laïcité» de l’État malien. L’atelier entend dépasser le strict temps de la crise et interroger tant ses dynamiques causales en amont, que les recompositions dont elle a été porteuse en aval. Il abordera les thèmes suivants :
(i) La recomposition – ou non – du paysage politique et du système partisan (au niveau local et national). L’intérêt porte autant sur les élections que l’émergence de nouvelles figures dans la classe politique, la sphère sociale ou religieuse ou encore l’adaptation et la participation au jeu politique des anciens partis politiques (campagne électorale, mobilisation, résultats électoraux, alliances), en particulier l'URD.
(ii) Les formes de la contestation et de la justice populaire, à travers l’étude des mouvements pro-putsch et anti-intervention française.
(iii) Les anxiétés morales et recomposition des rapports de genre, à partir d’une analyse de la «prostitution» à Bamako. L’internationalisation de la gestion de la crise. Il s’agit de tracer la transformation de l’intervention internationale dans le pays – du développement et la lutte contre la pauvreté vers un complexe militaro-humanitaire – et ses modes de légitimation.
COMMUNICATIONS
Isaline Bergamaschi
« L’intervention internationale au Mali: Transformation, légitimité, extraversion »
David Vigneron
« Le vote des réfugiés maliens. Des réseaux citoyens ou clientélistes ? »
Julie Castro
«“Les angoisses de ce temps”. Dynamiques de remoralisation de la sphère publique dans le Mali d’avant crise »
Julien Gavelle
« Le “revers” et ses variantes : un jeu en miroir de l’entrisme malien pendant et après la crise »
Laure Traoré
« Faire campagne. Les formes de la mobilisation électorale lors des élections présidentielles de 2013 à Bamako »