Présentation
Selon l’Organisation Internationale du Travail (2018), l’économie informelle représenterait la principale source d’emploi dans les villes africaines, et concernerait essentiellement les couches les plus vulnérables de la population, à savoir les femmes et les jeunes. Cette représentation des économies urbaines en Afrique comme avant tout caractérisées par la pauvreté et la précarité est largement endossée par la littérature en sciences sociales. La majorité des chercheurs s’accordent en effet pour en faire un ensemble de pratiques de survie dominées par la dépendance (Ferguson 2015) et l’incertitude (Cooper et Pratten 2017). Si une place est donnée aux trajectoires entrepreneuriales, celles-ci sont reconnues comme concernant seulement une minorité (e.g. McGaffey 1987 ; Rubbers 2009 ; Meagher 2010).
Dans un travail antérieur, nous avons été amenés à remettre en question cette représentation des économies urbaines comme le domaine par excellence de la pauvreté et de la débrouille, de manière à investiguer plus en détail – au-delà de l’alternative entre accumulation et survie – la diversité des trajectoires sociales des individus et les différents facteurs qui peuvent en rendre compte (Rubbers 2017 ; voir aussi Rizzo 2016 ; Noret 2019). Cet atelier propose de prolonger cette réflexion en interrogeant les logiques sectorielles que ces trajectoires peuvent donner à voir, c’est-à-dire la manière dont les individus sont amenés à « faire carrière » dans un secteur donné en acquérant des compétences qui lui sont spécifiques, en y développant un réseau relationnel et/ou en y investissant du capital. Nous avons eu l’opportunité de mettre à jour de telles logiques lors de recherches récentes sur les secteurs de la construction et du transport au Cameroun. Selon nous, de telles logiques conduisent non seulement à remettre en cause la prétendue prépondérance de la multi-activité dans les stratégies des citadins africains, mais également à réfléchir sur ce que les trajectoires de mobilité sociale peuvent avoir de spécifique selon les secteurs d’activité.
C’est cette piste de recherche que cet atelier propose d’explorer dans une perspective comparative, en se penchant sur les trajectoires de mobilité sociale à l’œuvre dans différents secteurs et pays. Comment rendre compte de la diversité des trajectoires dans un même secteur ? Quels sont les facteurs qui les déterminent ? Quelles formes de mobilité spatiale impliquent-elles ? Dans quelle mesure sont-elles l’objet de stratégies, de projections dans l’avenir ? Comment la réussite est-elle représentée par les acteurs ? En abordant ces questions à partir de différentes études de cas, le but de l’atelier est de développer une analyse plus fine de la dynamique et de la complexité des économies urbaines en Afrique.
Coordination : Ludovic Bakebek et Benjamin Rubbers
Communications
Jérôme Lombard
Suivre le transporteur Ndiaga Ndiaye à Dakar, ou remonter une trajectoire entrepreneuriale informelle à succès
Camille Vandeputte
A la recherche de gombo : pratiques et discours de jeunes adultes en quête d’emploi et de construction de soi (Korhogo, Côte d’Ivoire)
Héritier Mesa
Les structures (in)visibles de l’économie informelle urbaine de Kinshasa
Nicolas Monteillet
Mourides et Globalisation ; réseaux sociaux, diasporas et accumulation dans le secteur de la petite et moyenne distribution