Présentation
Les efforts de scolarisation universelle en Afrique s’inscrivent dans une perspective plus large de mobilité sociale ouverte à l’ensemble de la société. En général rattachés aux injonctions internationales de développement économique, social et politique des États, ces efforts se fondent sur des indicateurs surtout quantitatifs mesurant différents aspects de la fréquentation scolaire et, de plus en plus, la qualité des apprentissages. Or, ces approches sont insuffisantes pour saisir la complexité des parcours scolaires individuels, qu’il est nécessaire d’appréhender au prisme du genre. Ceci s’avère essentiel si l’on veut mieux comprendre les effets de ces parcours sur le devenir adulte, liés aux opportunités de formation professionnelle et d’emploi ou encore au contexte familial et à divers types de circulations inter et intra-générationnelles. De plus, ces parcours d’éducation et de formation se caractérisent le plus souvent par une mobilité géographique susceptible de fortement orienter les choix de vie des individus. Ce panel s’articulera donc autour de 4 axes de réflexions non exclusifs les uns des autres :
1. A quoi la mobilité sociale se réfère-telle ? Peut-on la mesurer uniquement à l’aune de la réussite professionnelle le plus souvent matérialisée par un emploi stable et la capacité financière associée ? Quels sont ou devraient être les critères pour mesurer les relations entre la scolarisation et une mobilité sociale qui prend différentes formes ?
2. La mobilité sociale dépend-elle d’un parcours scolaire « réussi » et comment définir un tel parcours dans un contexte de chômage chronique et de débouchés professionnels limités ? Quels sont les effets des parcours scolaires interrompus sur la mobilité sociale des individus ?
3. Les pratiques migratoires internes et internationales constituent une voie importante de mobilité sociale pour des adolescent·es ou jeunes adultes dont la scolarité a été interrompue ou qui sont en fin de parcours scolaire. Quels rôles jouent les migrations dans l’imaginaire des jeunes et dans leur parcours de vie ?
4. Comment circulent et se transmettent les acquis en lien avec l’école et la formation professionnelle entre les générations et au sein de celles-ci dans différents contextes socio-économiques et politiques, ces derniers façonnant les choix tant au niveau familial, qu’individuel ou institutionnel ? Nous invitons des contributions relevant de différents champs disciplinaires et basées sur des analyses inédites tirées d’enquêtes quantitatives ou ethnographiques.
Coordination : Nathalie Mondain et Mélanie Jacquemin
Résumés des communications
De la « diplo-mythe » à la professionnalisation : rôle de l’éducation catholique dans l’émergence d’un nouveau modèle éducatif au Cameroun
Albert Legrand Todjom Mabou
L’Église Catholique est promotrice au Cameroun depuis la période coloniale, d’établissements scolaires sur toute l’étendue du territoire, à tous les niveaux académiques, dans la majorité des filières et spécialités. Le poids de l’offre éducative permet d’influencer certaines décisions en matière de politique publique et de donner des orientations éducatives nouvelles. Dans une démarche inductive basée sur l’analyse des données d’enquêtes qualitatives, la présente proposition de communication envisage d’analyser le rôle de l’Église Catholique dans le processus de professionnalisation scolaire et académique au Cameroun. En d’autres termes, comment la diplo-mythe se manifeste-t-elle dans le contexte Camerounais ? Quelles actions sont menées par l’Église catholique pour favoriser la professionnalisation des enseignements ?
L’initiative entrepreneuriale : un vecteur de mobilité sociale
Hénaba Loïs Silas Amangoua
« L’entrepreneuriat des jeunes » se positionne comme un moyen de résorber le chômage dans les pays en voie de développement. La Côte d’Ivoire a vu apparaitre un discours de sensibilisation des jeunes à l’entrepreneuriat, porté par les politiques et vulgarisé par des promoteurs ou formateurs sur les réseaux sociaux. L’association Francophonie Sans Frontières sensibilise les étudiants à l’entrepreneuriat social et solidaire (ESS) dans une perspective de projet durable d’éducation à l’entrepreneuriat. En quoi ce projet d’éducation à l’ESS constitue- t-il un dispositif de transition identitaire vers le statut entrepreneurial ?
Origine sociale et ségrégation scolaire dans les villes ouest-africaines : Le choix parental en faveur de l’école privée à Ouagadougou et à Lomé
Anne E. Calvès et Jean-François Kobiané
Malgré la place prépondérante qu’occupe aujourd’hui l’enseignement privé dans les stratégies de mobilité et de reproduction sociales des parents africains, le sujet demeure une « sorte de boîte noire » sous-étudiée, faute de données. En mobilisant des données biographiques uniques collectées en 2020 et 2022 à Ouagadougou et à Lomé, l’objectif de la communication est de se pencher sur le recours différentiel à l’enseignement privé par les parents selon leur capital scolaire et économique.
Repenser l'accompagnement scolaire des filles au Sénégal : vers un nouvel univers des possibles éducatifs et professionnels
Nathalie Mondain, Mélanie Jacquemin et Jean-Alain Goudiaby
Si l’école se veut un espace de transmission des savoirs nécessaires à l’acquisition des habiletés de littéracie et de numératie, qu’en est-il des savoirs permettant d’orienter les parcours éducatifs futurs ? Cette communication propose l’analyse d’un dispositif pédagogique mis en place par une association au Sénégal dont l’objectif consiste à favoriser l’acquisition par des filles issues de milieux défavorisés inscrites au cycle élémentaire de compétences pour mieux maîtriser la suite de leurs parcours scolaires ou professionnels.
Construire sa carrière dans la mobilité : les étudiants bissau-guinéens au Sénégal
Jean-Alain Goudiaby
La mobilité des étudiants constitue une des dimensions dans la construction de leur carrière. Ainsi, des Bissau-guinéens choisissent de poursuivre leur étude supérieur dans une des universités du Sénégal (le plus souvent dans un établissement privé d’enseignement supérieur de Ziguinchor). Ces choix répondent à des stratégies de mobilités sociale où le déplacement géographique offrirait davantage de perspectives professionnelles. Nous analysons comment les étudiants Bissau-guinéens se servent de la migration pour se construire une carrière sociale et professionnelle.