Les Rencontres des Études africaines en France


Retrouvez l'ensemble des ateliers proposés lors des différentes rencontres organisées par le GIS

Politiques publiques du religieux et logiques d’ancrage en Afrique de l’Ouest et ailleurs : une approche comparative – 1

Présentation

Coordination: Rania Hanafi & Mamadou Bouna Timera

Modérateur: C. TUKOV

La structuration de cet atelier s’intéresse aux « politiques publiques du religieux » en Afrique de l’Ouest et ailleurs et à leurs logiques d’ancrage, à l’instar des projets de réforme sur le patrimoine des villes et cités religieuses au Sénégal. Les réalités sociales que recouvrent les catégories « cités religieuses », « villes saintes », « villes religieuses », « foyers religieux » (Cheikh Gueye, 2000 ; Mountaga Diagne, 2011) constituent diverses déclinaisons qui rendent compte d’un ancrage territorial, social et politique du religieux au Sénégal et dans bien d’autres pays. Elles interrogent sur les dynamiques d’institutionnalisation, de sémantisation et de légitimation, qui les traversent et les modèlent, tant du point de vue de l’État que des acteurs religieux. L’objet de cet atelier propose d’en explorer les enjeux dans une pluralité d’axes de réflexion qui porterait sur les logiques territoriales, migratoires et politiques :

● Les vecteurs essentiels et historiques de la construction territoriale sous la forme d’hétérotopies religieuses, politiques, sociales et culturelles de communautés en quête d’émancipation et d’un nouvel ‘’espace moral’’, d’un ‘’nouveaux chez soi’’, ces établissements humains poursuivent leur
mutation selon des logiques d’urbanisation et de citadinisation qui se retrouvent dans différents pays et associent installation viagère, durable, post-mortem et pèlerinages ;
● Sous l’égide des politiques publiques (infrastructures lourdes, ressources humaines, finances…) autant que des actions de patrimonialisation du ‘’capital de sainteté’’ (baraka) par les acteurs religieux, ils sont devenus des pôles migratoires et circulatoires complexes et multidirectionnels. Également, par les accommodements du pouvoir politique, ils deviennent des espaces ‘’d’exterritorialité’’ ambigüe et floue avec laquelle jouent autant le pouvoir politique que les acteurs religieux ;
● Dans quelle mesure leur constitution comme telle ouvre la voie à leur érection comme espace de tensions, de médiation, ou encore de dénouement de conflits sociaux et politiques ? Leur centralité nouvelle, de jour en jour renouvelée et élargie à divers domaines de la vie sociale, économique, politique, culturelle, intellectuelle, interroge sur la nature et la position des différentes forces autour de ‘’l’hégémonie’’ (Gramsci) dans l’espace social et politique.

Mountaga Diagne, Pouvoir politique et espaces religieux au Sénégal : la gouvernance locale à Touba, Cambérène et Médina Baye, Thèse de doctorat soutenue à l’Université du Québec à Montréal (décembre 2011) https://archipel.uqam.ca/4689/1/D2293.pdf Cheikh Guèye, « Le paradoxe de Touba : une ville produite par des ruraux », Bulletin de l'APAD [Online], 19 | 2000, Online since 12 July 2006, connection on 14 June 2023. URL: http://journals.openedition.org/apad/426; DOI: https://doi.org/10.4000/apad.426

Mots clefs : Politique publique ; Cité religieuse ; Territoire ; Circulation ; Patrimonialisation

Être musulman en contexte d’excommunication. Les politiques de la Ahmadiyya en milieu rural à Abengourou

Bourahima Diomandé

Fondée en 1889 dans le Pendjab indo-pakistanais, la Ahmadiyya est une communauté réformiste missionnaire. Malgré son opposition radicale à la majorité des musulmans, elle s'est étendue dans le monde. En Afrique de l'Ouest, elle a débuté sous l'empire colonial britannique, se diffusant dans les colonies francophones à partir du Ghana, notamment en Côte d'Ivoire. Ce pays, pivot économique régional, a été stratégique pour son expansion. En dépit des tensions avec les confréries et les mouvements wahhabites, la Ahmadiyya a connu une croissance significative, bien que confrontée à des violences physiques récentes. Une étude récente, basée sur une recherche sur le terrain, analyse ses politiques d'expansion en milieu rural, privilégiant les régions où son influence est forte et où les associations musulmanes traditionnelles sont moins présentes dans la littérature régionale.

De la prédication à la charité islamique : Parcours et Influences d’Alfa Mohamed Abdoulai

Yollo de Kpalimé
Djamilou OURO-AGORO

La présence musulmane au Togo, datant de la période précoloniale et renforcée durant la domination coloniale, est en pleine croissance selon les résultats censitaires et démographiques. Alors que la masse des adeptes était estimée à 11,6% lors du deuxième dénombrement de la population en 1970, elle
a significativement grimpé à 16,1% en quatre décennies. Cette montée fulgurante des croyants d’Allah témoigne de la propagation rapide de l’Islam, présent dans toutes les régions. Hormis la zone centrale, foyer historique de cette religion, d’autres concentrations sont signalées, notamment dans la partie méridionale comme Kpalimé. Cette ville bénéficie de la promotion des ONG islamiques qui se multiplient de façon fulgurante, favorisant l’émergence de riches Oulémas, tel Alfa Mohamed Abdoulai Yollo, influent dans différents domaines, malgré son statut migratoire. L’analyse de son parcours et de ses actions de domination mérite une étude approfondie, en utilisant une méthodologie historique malgré l'ancrage sociologique de la thématique. Cette étude décrira la trajectoire de ce prédicateur devenu responsable d’une puissante organisation, ainsi que son émergence et son mode de fonctionnement, pour élucider ses réalisations et formes de domination.

Entre Tradition et Modernité : Les défis de l'institutionnalisation des daara (écoles coraniques) au Sénégal

Mouhamed Gueye

Notre communication explore les enjeux de l'institutionnalisation et de la modernisation des daara au Sénégal, mettant en lumière les tensions inhérentes à cette politique publique. Les écoles coraniques traditionnelles jouent un rôle central dans la société sénégalaise, mais sont soumises à des pressions
modernisatrices et institutionnelles. Nous examinons l'impact de l'institutionnalisation sur l'ancrage territorial et social des daara, ainsi que sur leur structure traditionnelle, leurs méthodes d'enseignement et leur gestion. Nous étudions également les réponses des acteurs religieux à ces changements, soulignant les tensions potentielles avec les politiques publiques. Enfin, nous analysons les tensions politiques découlant de cette politique, notamment les réactions de la société civile, de la communauté internationale et les défis liés à la mise en œuvre. Notre objectif est de contribuer à la compréhension des complexités entourant l'institutionnalisation des daara et son interaction avec les dynamiques sociétales, éducatives et religieuses du Sénégal.

Enjeux et perspectives de la modernisation de l’enseignement traditionnel marocain

Jean-François Bruneaud

Au Maroc, après avoir porté plusieurs dénominations au cours du temps, l’enseignement actuellement désigné de traditionnel (El Alaoui, 2018, p.268), prend naissance au IXe siècle avec l’édification à Fès de la prestigieuse Université Al Quaraouiyine fondée par Fatima Al-Fihrya en 857. Cet enseignement traditionnel (talim-al-atiq) qui a persisté jusqu’à nos jours (Lahlou, 2017, p.2), n’a guère été remis en cause dans ses fonctions essentielles d’apprentissage et d’étude du Coran, de la langue arabe et des diverses disciplines religieuses. Il en va de même pour sa mission de transmission de la culture et des valeurs éthiques fondées sur les principes fondamentaux de la religion musulmane et sur l’apprentissage de la langue arabe. Aujourd’hui, l’enseignement traditionnel se veut garant de la préservation et de la transmission d’un islam du juste milieu en grande partie constitutif de l’identité culturelle et nationale
marocaine. Mais, basé sur des méthodes d’enseignement ancestrales transmises de génération en génération, son efficience a été interrogée lorsque, aux lendemains de l’indépendance en 1956, l’État marocain s’est engagé dans un processus de réforme et de modernisation de son système éducatif. Dès lors, la question de la pertinence et de l’efficacité de l’enseignement traditionnel face au modèle éducatif moderne s’est posée de façon cruciale. C’est ce processus réformateur, à la croisée de la préservation et du dépassement de la tradition qui sera présenté dans le cadre de cette communication.

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