Présentation
Coordination: Anaïs Wion & Samuel F. Sanchez
Ce double panel entend prendre la mesure des études en cours sur l’histoire économique et fiscale de l’Afrique avant les colonisations européennes de la fin du XIXe siècle. Il réunit dix chercheurs et chercheuses afin de promouvoir la connaissance des fonctionnements économiques avant les colonisations et de contribuer à la structuration d’un réseau académique international. Il est structuré autour des deux thèmes suivants : "Réseaux de commerce et transactions" puis "Traite et esclavage, une histoire de valeurs ». Il couvre une périodisation large, allant du Moyen-Âge au XIXe siècle et aborde des aires géographiques distinctes : Sahara, Sénégambie, Madagascar, Éthiopie, Soudan. Les communications éclairent des angles morts de l'historiographie, telle la capacité des États sahéliens médiévaux et modernes à élaborer des règles commerciales et fiscales, et interrogent des poncifs historiographiques comme le lien de causalité entre essor du commerce atlantique et déclin du commerce caravanier à l’époque moderne. Les stratégies d'extraversion des constructions politiques sont examinées pour comprendre, par exemple, l'essor du capitalisme soudanais au XIXe s. Les communications mettent en valeur des corpus de sources originaux et très diversifiés qui permettent de comprendre, par exemple, l'ascension des marchands indiens en Éthiopie à la période contemporaine. Le deuxième panel, interrogeant la notion de valeur dans le contexte de la traite des esclaves, explore la question de l'établissement des prix des esclaves, non seulement dans l’Afrique atlantique mais aussi dans l’océan Indien (Mascareignes). Il s’agit de chercher à comprendre à travers l’étude des prix les conséquences économiques et sociales de ce phénomène historique majeur dans l’histoire du continent africain. Enfin, l'agentivité des marchands africains et les modalités d'échanges propres au marché sénégambien clôtureront cette réflexion collective visant à aborder avec des angles nouveaux la question du commerce esclavagiste.
Le prix des esclaves à Madagascar (XVIIe-XVIIIe siècles)
Rafaël Thiebaut
Au XVIIIe siècle, le commerce d'esclaves entre les Mascareignes françaises et Madagascar est en plein essor. Les Français achètent des esclaves et de la nourriture pour soutenir l'économie des plantations. Le nombre d'esclaves dans les Mascareignes a considérablement augmenté, passant de moins de 4 000 en 1725 à près de 100 000 en 1809. Bien que les historiens aient examiné les implications politiques et sociales de ce commerce, la dimension économique reste moins explorée, en partie à cause du manque de sources précises. Les prix des esclaves à Madagascar variaient en fonction de plusieurs facteurs comme l'âge, le sexe, et l'état physique, allant de 2 dollars espagnols en 1664 à 73 dollars en 1787. Ces fluctuations de prix étaient liées à l'offre et à la demande ainsi qu'aux marchandises utilisées pour les transactions. Ces variations avaient un impact significatif sur le commerce négrier et les profits réalisés par les marchands. Cette recherche vise à éclairer la réalité économique de la traite négrière européenne à Madagascar, soulignant les défis et les limites des sources archivistiques disponibles.
From the enslaved person as commodity to the enslaved person as currency in Atlantic Africa during the transatlantic slave trade
Paola Vargas Arana
Research into the representation of monies and barter items in Atlantic Africa during the early transatlantic slave trade reveals that shells, iron bars, clothing, fabrics, copper, and gold had spiritual or moral significance, which shifted as the slave trade grew. This transition witnessed a comparative
devaluation of traditional currencies such as shells, diminishing Africa's capacity to amass capital, while concurrently favoring European nations. In Africa, the "enslaved person" became a form of currency, and by the early 18th century, this was almost the only way to generate capital. The transatlantic slave trade fueled European accumulation but led to dispossession, violence, and militarized secret societies in West and Central Africa. This study examines whether the concept of using enslaved people as currency was a European import or an indigenous development, comparing processes in West and Central Africa with those in the Americas. It discusses the term 'pieza', used in 16th-century South America to refer to a standard unit for enslaved people, and explores branding practices from 17th-century American sources, relating them to the broader monetization of enslaved people in Africa.
Espaces et marchés en Sénégambie: monnaie, prix et fraude à l’ère du commerce négrier (XVe-XIXe siècle)
Cheikh Sene
En 1659, les Français s’installent à Saint-Louis du Sénégal qui est le chef-lieu de la concession du Sénégal. Pour mieux contrôler et administrer les marchés, ils divisent la Sénégambie en deux pôles administratifs : “Saint-Louis et dépendances” et “Gorée et dépendances”. Dans les marchés d’esclaves et de gomme, les marchandises de traite importées par les Européens servent d’échanges dans les transactions sous forme de monnaie fictive. Les chefs locaux participent à l’organisation des opérations commerciales. Ils imposent des taxes commerciales aux Européens et participent à la surveillance du système monétaire notamment les prix des marchandises. Les arnaques et les fraudes sont récurrentes dans les marchés. Les commerçants européens s'en plaignent. Cette communication jette un regard sur cet aspect particulier du commerce sur les côtes ouest-africaines en explorant les petits éléments qui régissent l’organisation des marchés (produits commercialisés, monnaie, fiscalité, prix, fraudes) du système commercial atlantique en Sénégambie.