Présentation
L'un des objectifs de cet atelier est de pouvoir articuler deux historiographies, d'un côté les politiques missionnaires à l'époque moderne pour le continent africain et de l'autre, les implantations portugaises sur ce même continent, trop souvent dissociées. Car, ces dernières années, l'histoire des politiques missionnaires à l'époque moderne a connu un renouvellement historiographique, en particulier dans le domaine des missions jésuites en modifiant les approches, tant du point de vue de la littérature missionnaire (études rhétoriques et narratologiques des chroniques missionnaires, de la correspondance) que du point de vue de l'exploitation ethnographique de la masse documentaire et des analyses sociologiques et politiques . Cette appropriation a donné l'occasion d'une redéfinition des sources qui conduit à réévaluer l'histoire du « phénomène missionnaire » et des institutions chargées de leur promotion . Qu'en est-il de l'Afrique ? La documentation produite par les ordres religieux, en majeure partie en portugais, pour rendre compte de leurs pratiques sur un terrain missionnaire a souvent été utilisée comme un réservoir événementiel dans lequel on pouvait puiser et combler les lacunes des sources politiques et diplomatiques. En fait, il convient de revenir sur l'histoire de la production de ces écrits afin d'en définir la nature et de les utiliser avec toutes les précautions qui s'imposent. Quant à l'historiographie abordant la présence portugaise en Afrique, celle-ci s'est longtemps focalisée sur le temps des découvertes et des premières implantations. Une approche exclusivement centrée sur les acteurs portugais a ainsi été privilégiée, au détriment de l'analyse des interactions, des collaborations, et de l'apparition de milieux intermédiaires même si des travaux récents ont ouvert des champs nouveaux à ce sujet . En outre, les implantations n'ont guère été étudiées dans la longue durée, comme si les schémas et les procédés des premières rencontres avaient toujours perduré. Ce constat est particulièrement flagrant pour l'historiographie de la côte orientale de l'Afrique, où la présence portugaise - souvent réduite à une brutalité vaine - aurait provoqué le déclin rapide de sociétés littorales alors en plein essor. Cette perception peu nuancée était autrefois appliquée à l'ensemble de l'océan Indien, avant d'être largement remise en cause par les travaux portant sur la péninsule indienne conduits depuis trois décennies . Ils ont démontré que les Portugais furent très loin de réduire à néant les réseaux locaux, dans lesquels bien au contraire ils se coulèrent, le décalage étant considérable entre les ambitions affichées à Lisbonne ou Goa et la réalité du terrain. C'est pourquoi, la documentation essentiellement en portugais constitue le corpus le plus fourni pour tenter d'articuler ces deux historiographies nécessairement connectées, dans la mesure où même si les acteurs ne sont pas identiques, ils sont en rapport soit complémentaires soit conflictuels. Il apparaît donc indispensable de reconsidérer la présence portugaise au sens le plus large sur le continent africain en prenant en considération la longue durée comme la complexité des dynamiques locales. Pour éclairer ces phénomènes, la relecture et le dépouillement des archives de l'empire doivent être poursuivis, d'autant qu'elles sont loin d'avoir livré tout leur potentiel.