Les Rencontres des Études africaines en France


Retrouvez l'ensemble des ateliers proposés lors des différentes rencontres organisées par le GIS

Repenser les migrations africaines à travers le prisme des témoignages et récits de vie des migrants -2

Présentation

Coordination: Aly Tandian & Jean-Luc Primon

En tournant résolument le dos aux récits stigmatisants qui voient dans les migrations internationales une menace pour la sécurité des pays de transit et de destination et ne cessent de mobiliser des discours répressifs incitant à un contrôle et une gestion des frontières qui accompagnent la montée de sentiments xénophobes et de replis souverainistes et identitaires, cet atelier vise à favoriser une compréhension structurelle des migrations en considérant les sociétés contemporaines d’ici et d’ailleurs comme des sociétés de migrations devant composer avec un monde en mouvement et de nouvelles connaissances pouvant nourrir la gouvernance des frontières. Dans cette optique, nous mettrons l'accent sur les témoignages et récits de vie des migrants et les transferts immatériels pour réinterroger les discours dominants sur les migrations à la fois dans la sphère publique des pays de départ, de transit et de destination. Toujours dans la perspective de repenser les migrations, l’atelier fera également une place aux nouvelles méthodologies qui cherchent à combiner les compétences des migrants, des citoyens et des acteurs associatifs ou étatiques.

Femmes cap-verdiennes en France : itinéraires migratoires et projets transnationaux

Sónia Ferreira

Il existe peu d'études sur la migration capverdienne en France, mais elle constitue la deuxième communauté de migrants lusophones en Europe, après les Portugais. Certains sont arrivés dans les années 1960 et 1970 avec la nationalité portugaise, tandis que d'autres sont venus directement depuis l'indépendance du Cap-Vert en 1975. Un troisième groupe migre depuis le Sénégal vers la France. Pour combler le manque de données ethnographiques, l'étude se concentre sur les récits de vie des Capverdiens en France, en mettant en lumière les réalités familiales et les stratégies d'adoption de nationalités. Méthodologiquement, elle discute de l'importance d'affiner les outils méthodologiques du transnationalisme pour comprendre les réseaux d'appartenance multiples et la fluidité des frontières dans la vie des migrants capverdiens en France.

Quand sensibiliser contre la migration clandestine devient mon instinct de survie. Dans la quotidienneté du parcours de combattant d'un jeune Camerounais raconté par le spectacle artistique

Jean Emmanuel Minko

Aurélien, un jeune Camerounais, décode son instinct de survie dans sa lutte contre la migration clandestine. Malgré les tensions entre les divers acteurs de ce milieu, incluant les jeunes de son âge, les autorités publiques, les familles et les associations, il s'engage dans une sensibilisation technicisée contre cette pratique. La migration clandestine expose de nombreux jeunes africains à des risques mortels, notamment à travers le désert et la traversée de la Méditerranée pour une vie meilleure. Aurélien utilise son expérience dans le désert pour créer un projet artistique visant à sensibiliser ses pairs. En disciplinant son corps et en reconstituant des subjectivités, il organise des spectacles de rue et en salle, obtenant finalement des subventions internationales. Cette démarche résiste contre la mort symbolique, psychologique et morale associée à la migration clandestine. Cette réflexion, basée sur une observation ethnographique et historique à Yaoundé en novembre 2021, est étayée par des récits de vie et des témoignages issus d'entretiens avec Aurélien, soulignant ainsi un acte de résistance face au silence de l'État

Pour la liberté de circulation : Le "partage stratégique" des récits de vie des migrants-activistes ouest-africains

Julie Kleinman

Comment l'expérience de la migration façonne-t-elle l'engagement civique et politique ? A travers les récits de vie migratoires des activistes dans des collectifs de défense des droits des migrants à Bamako, à Paris, et à Dakar, cette intervention examinera comment l'engagement se forme et se transforme au prisme des expériences migratoires. L'objectif est double : premièrement, comprendre pourquoi les migrants et les migrants de retour s'engagent dans ces luttes pour les droits des migrants, et deuxièmement, comprendre les effets de leurs histoires lorsqu'elles sont partagées dans diverses circonstances (par exemple, dans des conférences nationales et internationales, devant d'autres migrants, avec les chercheurs étrangers, dans les médias, etc.). J'analyserai la manière dont les militants ayant vécu la migration précarisée racontent leurs expériences dans divers contextes en tant qu'exemples de ce que Ruth Gomberg-Muñoz appelle le « partage stratégique ». Comment ces récits de vie et de migration articulent de nouvelles formes d'engagement et
d'appartenance collective, et comment changent-ils selon le contexte de leur représentation ?

Dans les interstices du marché sportif néolibéral : mobiliser Michel de Certeau pour analyser les migrations des combattants africains de mixed martial art en Afrique du Sud

Kevin Rosianu

Cette contribution examine les combattants africains de mixed martial arts (MMA) sous contrat avec l'Extreme Fighting Championship (EFC), en Afrique du Sud. Leur vie et travail précaires sont éclairés, malgré des opportunités de carrière rares mais réelles. À travers le cadre théorique de Michel de Certeau,
notamment ses concepts de stratégies et tactiques, nous analysons leur lutte et leur adaptation en tant que migrants combattants. Basée sur 61 entretiens avec 35 combattants professionnels de l'EFC migrants en Afrique du Sud, notre étude révèle les tactiques qu'ils utilisent pour faire face aux défis liés à leur statut migratoire et aux conditions de travail précaires. Nous mettons en lumière les relations de pouvoir entre ces combattants et leur employeur, contribuant ainsi à la compréhension des migrants dans le marché sportif néolibéral. Notre recherche souligne la nécessité d'une vision dynamique des athlètes migrants, évitant les représentations simplistes de victimes passives, pour mieux comprendre les mécanismes de pouvoir en jeu.

Le récit de soi comme support de résistance face au sentiment d'un monde finissant. L'exemple d'une autobiographie publiée par un militant haalpulaar

Julie Garnier
Anaïs Leblon

Depuis les années 1980, les récits de migration ont été explorés à travers divers moyens, incluant le langage, l'art, les musées, et les discours. Des travaux récents soulignent l'importance d'analyser comment ces récits sont produits, leurs intentions, ainsi que les structures narratives qui les façonnent. Dans cet atelier, nous mettrons en avant l'approche biographique pour reconsidérer les migrations dans la Vallée du fleuve Sénégal, en examinant le parcours d'un immigrant haalpulaar arrivé en France dans les années 1970, tout en s'impliquant dans le développement de sa région d'origine. Nous utiliserons son autobiographie publiée en 1998 ainsi que nos propres interactions avec lui depuis plus de dix ans pour étudier son histoire. En reliant cela à son implication dans un projet d'écomusée au Fouta Toro, nous explorerons l'évolution de son engagement envers son territoire d'origine, ses perceptions deschangements sociaux et écologiques, et sa vision de la transmission culturelle et patrimoniale. Cette approche permettra d'interroger les migrations à travers différentes échelles, espaces et temporalités, éclairant ainsi la perspective des migrants sur le monde et leur place dans la société. Enfin, nous discuterons du rôle des chercheurs dans la co-production de ces récits de vie et dans la reconnaissance des mémoires migratoires.

Tenter de passer à travers les frontières marocaines pour rallier l'Europe par la sexualité : récit sociologique sur la mise à disposition du corps des migrantes camerounaises aux passeurs des côtes

Martin Raymond Willy Mbog Ibock

Depuis plus de dix ans, le Maroc est devenu un lieu de passage pour les migrantes africaines, en particulier camerounaises, qui se soumettent souvent aux exigences des passeurs côtiers pour rejoindre l'Europe. Une réflexion sociologique sur la mise à disposition du corps des migrantes camerounaises aux passeurs côtiers est entreprise, avec pour objectif d'étudier la sexualité comme un échange économique aux frontières. On se pose des questions sur les transactions sexuelles entre les migrantes et les passeurs aux côtes marocaines, en se penchant sur leur densité et leur clandestinité. Pour cela, une analyse constructiviste est privilégiée, et des données qualitatives sont collectées auprès d'anciennes migrantes à Douala, au Cameroun, notamment dans des bars fréquentés par ces femmes. Des entretiens individuels semi-directifs et des observations directes sont utilisés, avec des pseudonymes pour assurer l'anonymat des enquêtées. Les données des entretiens sont triangulées avec les observations pour mieux comprendre la réalité sociale. Il s'agit ainsi de vérifier l'hypothèse sur l'épaisseur des transactions sexuelles et leur clandestinité entre les migrantes camerounaises et les passeurs marocains.

Migrants subsahariens de passage en Algérie. Penser la présence positive

Fatima Nabila Moussaoui

L'Algérie fait face à une augmentation alarmante de la migration, accueillant désormais des milliers de migrants de diverses nationalités avec des projets variés. Ce pays d'accueil, impréparé politiquement, économiquement, humanitairement et juridiquement, voit ses législations migratoires évoluer au gré de la complexité du phénomène. Cette étude se concentre sur les migrants présents en Algérie, notamment les harragas algériens, les migrants subsahariens et d'autres communautés. Elle examine comment ces migrants s'organisent et vivent en Algérie, ainsi que depuis le sud du pays dès leur arrivée. Elle se penche sur leurs perspectives de voyage, leurs pauses et leur organisation communautaire, tout en abordant les défis de l'accueil souvent hostile. Cette recherche vise à démystifier le discours sécuritaire, à repenser la migration dans ses dimensions socio-démographique, économique et humanitaire, à promouvoir une intégration utile des flux migratoires, à établir un ordre migratoire conforme aux intérêts des pays concernés, et à renforcer la coopération régionale et internationale pour une gestion plus dynamique et productive de la migration. Elle souligne également l'importance de repenser la migration subsaharienne en Algérie dans une perspective régionale et internationale, favorisant ainsi les liens sociaux et commerciaux entre les États africains.

Migrations maliennes et découverte du travail

Christophe Daum

À l'heure où se discute l'opportunité de légiférer sur la régularisation des immigrés sans papier travaillant sur des « métiers en tension », il peut être utile d'entendre certains des premiers intéressés à propos de leurs trajets de vie. Cette communication interrogera les récits d'immigrés maliens portant sur leurs trajectoires. Issus de sociétés rurales, où prédomine une économie domestique caractérisée par une agriculture de subsistance où « l'on travaille sans salaire pour le chef de famille », ils s'installent en France au terme d'un itinéraire migratoire largement balisé par leurs aînés depuis les années soixante. Comment ces migrants vivent-ils la « découverte du travail » (pour emprunter ici à Pierre Bourdieu et Abdelmaleck Sayad) dans les sociétés industrielles ?Les récits des immigrés font souvent état du grand contraste entre les modalités du travail en France et celles qui prévalent au village, ils mettent en avant plusieurs registres concernant le droit du travail, l'organisation et la division du travail, les savoir-faire professionnels, ou encore le statut social divergent voire contradictoire entre société d'origine et société d'installation. Ces récits dévoilent en fait des processus d'acculturation complexes, tout autant qu'ils témoignent du déclassement et du reclassement social que vivent ces immigrés au fil de leurs trajectoires singulières

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