Présentation
Les dernières années ont vu émerger des travaux sur les archives relatives à la colonisation dans différents champs disciplinaires, allant de l’histoire à l’archivistique évidemment, en passant par l’anthropologie ou les performance studies par exemple. Ces travaux s’insèrent pour leur écrasante majorité dans un contexte anglophone et interrogent quant à leur transposabilité dans un différent contexte. Cet atelier propose donc d’ouvrir une réflexion en matière d’archives et d’archivistique(s) francophone(s) sur le continent africain, appliquée aux archives issues des systèmes coloniaux et à la lumière des débats ainsi que des discussions qu’elles suscitent dans la sphère anglophone. Il s'agirait donc d’une part de se demander s'il y a une spécificité théorique et/ou pratique des
documents et fonds d’archives dans les espaces francophones, avec une attention particulière portée à d’éventuelles spécificités de celles issues des systèmes coloniaux. D’autre part, cet atelier se propose d’ouvrir une conversation mettant plus spécifiquement en avant les fonds d’archives et les collections issus des colonisations française et belge, et souvent survolés dans les discussions anglophones.
Archiver l'Afrique : politiques d'appartenance, politiques de mobilité
Lyn Kouadio
L’existence et les (im)mobilités des archives coloniales soulèvent d’importantes questions autour de ce que signifie d’appartenir à un espace mondial dit Francophone dans lequel la mobilité et l’accès à la mobilité a été distribuée de façon plus ou moins inégale à travers les décennies avant et après les
indépendances en Afrique. Alors même que le débat autour des pièces de musée acquises à travers la colonisation connait un renouveau, l’accès aux archives demeure peu examiné dans les milieux universitaires .
Que signifient ces (im)mobilités archivistiques coloniales et postcoloniales et quelles en sont les implications pour l’appartenance dans une sphère mondiale dite francophone au sein de laquelle les pays francophones d’Afrique subsaharienne représentent la majorité ? Que nous révèlent ces (im)mobilités archivistiques au sujet de la (l’in)justice épistémique et de l’appartenance francophone ? Mon intervention vise à faire lumière sur ces questions ainsi que leurs implications dans les débats au sujet des questions de rapatriement et de restitution en études francophones et internationales.
Défis et enjeux des archives subsahariennes francophones
Jean-Paul Nenga
L’objectif de cette réflexion qui met en exergue la problématique des archives coloniales francophone est d’abord de décrire les enjeux liés à la gestion efficiente des archives pour le développement soutenu du continent africain en général et de l’Afrique centrale en particulier. Il s’agit également de tirer la sonnette d’alarme au niveau de chaque acteur du développement afin qu’ils dotent les services d’archives de moyens conséquents pour que ces derniers puissent jouer leur partition dans la bataille pour le développement. Enfin, il s’agira d’amener chaque gestionnaire de l’information documentaire africain à bien jouer le rôle qui est le sien dans le processus du développement, pour l’atteinte des objectifs du développement durable (ODD).
Interroger le traitement intellectuel des archives produites par l’Empire colonial français
Maud Allera et Emmanuelle Braud-Oppenheim
« Decolonizzare il patrimonio », « Finding the words », « (Dé)construire les « archives coloniales» », « Les archivistes face aux défis de la décolonisation »… Alors que les archives coloniales sont régulièrement interrogées dans le débat public autour des questions de mémoires, de restitution ou de communication, les réseaux professionnels internationaux se saisissent des enjeux de traitement de ces données patrimoniales.
La réflexion, déjà largement entamée dans les musées sur les principes de conservation et présentation de collections issues de la colonisation, irrigue l’ensemble de la « chaîne archivistique » : devrait-on adopter une méthode spécifique de description archivistique pour les archives coloniales ? Quel
est le rôle, quelles sont les responsabilités et les limites des archivistes et des institutions de mémoire aujourd’hui ? Quelles ressources et réseaux est-il possible de mobiliser pour porter ces réflexions en France? Les choix opérés en musées ou en bibliothèques sont-ils transposables à l’archivistique ?
L'archivistique francophone face à la décolonisation des savoirs
Bérengère Piret
La description archivistique, pratiques archivistiques et dynamiques de pouvoir. Cette intervention est consacrée aux questions liées à l'utilisation d'un vocabulaire aujourd'hui considéré comme offensant dans le cadre de la description archivistique et examine le rôle des archivistes dans la perpétuation des
structures de pouvoir. Il approfondit les implications de l’utilisation de ces éléments de langage. Au-delà de cette approche théorique, cette intervention envisage différentes solutions concrètes mises en œuvre pour y remédier.
Disparité des fonds : l'exemple des archives de l'ouest guyanais relatives à l'histoire de l'esclavage
Jean-Luc Biarnais
La population guyanaise est issue de descendants d'esclaves et de Noirs marrons, échappés des plantations, principalement du Surinam. Le département est créé en 1946. Les archives de l'ouest guyanais, notamment celles de Saint-Laurent-du-Maroni et du diocèse de Cayenne, sont essentielles pour comprendre l'histoire de la région. Des recherches sur des détenus du bagne et la construction de l'église de Mana soulèvent des questions sur le classement des documents et les choix de conservation. Les fonds publics consultés comprennent les archives municipales et territoriales, ainsi que des reliquats des archives paroissiales de Mana. Ces documents révèlent des aspects variés, comme l'administration de la commune pénitentiaire de Saint-Laurent, l'évolution de la toponymie et le peuplement de la ville par d'anciens bagnards.