Présentation
Depuis les années 2000, le contrôle migratoire s’est largement renforcé sur le continent africain. Sous la pression des États européens conditionnant l’aide au développement à une participation à la lutte contre l’immigration irrégulière, les États africains, en se réappropriant ces outils de lutte, ont participé à la construction du gouvernement international des migrations. Ce dernier, associant rationalités sécuritaires, humanitaires et développementistes soutient la sédentarisation des ressortissants africains, en entravant leurs circulations et en encourageant leurs retours dans leur pays d’origine. Sa mise en œuvre sur le terrain repose sur la participation d’une pluralité d’acteurs. Les organisations internationales, financées par des bailleurs majoritairement européens, opèrent en partenariat avec des acteurs - humanitaires, caritatifs - bénéficiant d’une relation de confiance avec les migrants. Animés par les opportunités de captation de ressources, des acteurs locaux, notamment associatifs, ont également investi “l'industrie migratoire”.
Agissant à l’intersection des États et des migrants, la diaspora, les transporteurs parfois qualifiés de “passeurs”, et autres « courtiers » en migration facilitent les mobilités de leurs pairs. Pour leur part, les migrants établis dans les pays de transit, les migrants de retour dans leur pays d’origine et les familles de migrants disparus contribuent aux programmes de retour volontaire et de sensibilisation contre la migration irrégulière.
Qu’ils favorisent ou contredisent le contrôle migratoire, les intermédiaires africains occupent donc un rôle clé, mais ambigu, dans la construction des espaces circulatoires sur le continent. Car tandis que leur “indigénéité” vis-à-vis de leurs pairs légitime des discours et des pratiques anti-migratoires, elle peut simultanément contredire leur implication dans le contrôle de ces derniers.
Dans cette perspective, cet atelier propose d’interroger la pluralité des figures et des pratiques de l’intermédiation au-delà de la dichotomie entre autonomie et contrôle. Quelles trajectoires sociales et politiques, et quels rapports à la mobilité soutiennent les pratiques des intermédiaires locaux ? Dans quelle mesure ces derniers transforment-ils les modalités du contrôle migratoire ?
Mobilisant l’histoire du gouvernement colonial et l’anthropologie du développement, l’atelier entend enfin identifier les ruptures et continuités qui sous-tendent l’usage d’intermédiaires africains dans le gouvernement des populations sur le continent.
Coordination : Camille Cassarini et Anissa Maâ
Communications
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