Présentation
La crise écologique amène à un constat : les matières, que l’on croyait inertes, prolifèrent, nous traversent et nous débordent, et certainement plus au Sud qu’au Nord. Le projet AirGeo, international, interdisciplinaire et multi-situé cherche à prendre le point de vue de deux matières : le plomb d’un côté, dans ses circulations mondialisées le faisant dangereusement s’agglomérer à Sebikotane ; les arbres de l’autre, dans la multiplicité de leurs relations avec les humains dans cette région.
Or la saisie de ces matières agissantes exige des modifications radicales de protocoles, ce qui interroge la posture des scientifiques au sein de la société. Le projet « AirGeo, l’air, la terre et les écorces » réunit des disciplines (anthropologie, géophysique, géochimie, toxicologie, lettres) et des pratiques (design, théâtre, écriture, dessins) diverses autour d’un objet singulier : un capteur de particules de plomb sous forme d’écorces d’arbres. Son élaboration technique, son inscription culturelle, son déploiement territorial, sa lecture scientifique, sa traduction sociale, ses implications politiques : chacune de ces opérations exige des co-opérations interrogeant la façon de faire science, de faire société, et de faire monde, notamment dans une zone en transition.
L’atelier sera l’occasion d’éclairer ce type de démarche sous l’angle des ficelles qui permettent de mener de tels projets arts-sciences-société, ainsi que les dénouages et renouages qui permettent de tisser des liens durables, entre les matières, les disciplines et les pratiques du territoire. L’atelier contribuera à éclairer ces questionnements :
- Que se passe-t-il quand on considère les matières comme agissantes ? Quelles saisies croisées l’approche par les matières implique-t-elle ? Qu’est-ce que cela modifie des protocoles et des pratiques ?
- Par quelles coopérations porter une attention conjointe dans un tel projet ? Sur quelles scènes (ateliers, journées d’étude, blog, déambulations, théâtre, forum…) ? Qu’est-ce que ces scènes modifient des oppositions héritées (industries/nature, Sud/Nord, savoirs scientifiques/profanes, arts/sciences) ? - Comment accueillir les changements profonds (culturels, épistémologiques et éthiques) auxquels ce type de projet expose ? Comment répondre à cette interrogation formulée par Felwine Sarr, : « [notre] geste reproduit-il les conditions de la domination et de la dévastation, ou rend-il ce monde plus fécond, plus ouvert, et plus vivifiant ? »
Coordination : Yann Philippe Tastevin et Claire Dutrait
Communications
Claire Dutrait
Le capteur capté : le rôle du théâtre forum dans la saisie des récits traversant Sebikotane quand s’y retrouvent chercheurs, habitants, particules et écorces
Mayoro Gueye et Yann Philippe Tastevin
Du plomb dans l'air ? Remise en circulation, suspension et contamination à Sébikotane
Mélina Macouin et Sonia Rousse
Biocapteurs passifs et magnétisme environnemental dans les dispositifs de sciences participatives
Jean-François Léon
Matière en circulation dans l’atmosphère : un grain de poussière dans notre santé
Laure Laffont et Eva Schreck
La géochimie : un outil pour tracer les activités de recyclage des métaux